"Il n'y a aucune formation pour accompagner les personnes en deuil"
Des soignants et plusieurs personnalités signent aujourd'hui 13 février une tribune dans Le Monde pour réclamer un meilleur accompagnement des personnes en deuil dans notre pays.
Au-delà de la douleur personnelle, le deuil représente un enjeu de santé publique non-négligeable. Selon les signataires de cette tribune publiée mardi dans le quotidien Le Monde, les risques consécutifs à un deuil sont pourtant bien connus : « Dans la première année de veuvage, la mortalité est accrue de 80 % chez les hommes et de 60 % chez les femmes ; 58 % des actifs en deuil ont été en arrêt de travail plus d’une semaine, 29 % l’ont été plus d’un mois ; 77 % des élèves orphelins déclarent des impacts négatifs sur leur scolarité », peut-on lire. Et pourtant il n’existe aucune action publique pour améliorer l’accompagnement des personnes endeuillées.
Marie Tournigand, déléguée générale de l’association Empreintes, à l’initiative de cette tribune, a répondu aux questions du Magazine de la santé.
- Le deuil est un moment difficile à passer pour tout le monde mais à partir de quand parle-t-on de deuil « pathologique » ?
Marie Tournigand : "C’est une question très compliquée que chacun se pose quand on vit un deuil parce qu’on a très peu de connaissances sur le deuil. On en a tous l’expérience intime, ou autour de nous mais qu’est-ce qu’un deuil normal ? Qu’est-ce qu’un deuil compliqué ? Un deuil pathologique ? On estime en tout cas que le deuil pathologique représente 5% des cas. C’est lorsqu’il y a une maladie physique ou psychologique qui survient à l’occasion d’un décès."
- On considère souvent que le deuil appartient à la sphère intime, familiale. En quoi cela concerne la collectivité ?
Marie Tournigand : "On associe le deuil au moment du décès, des obsèques, des funérailles, mais le deuil, c’est dans nos vies qu’on le traverse. C’est à l’école, au travail, à l’hôpital… tout le monde est confronté à des personnes en deuil. Tout professionnel peut vivre lui aussi des deuils. Or il n’a aucune formation pour faire face à cette situation. J’espère que dans la réforme de la formation des médecins il y aura des outils de base pour savoir à peu près ce qu’est le deuil."
- Quel accompagnement est proposé aux personnes en deuil ?
Marie Tournigand : "Il y a des solutions qui existent mais ces informations ne passent pas parce qu’elles ne sont pas diffusées. Nous, nous militons pour qu’il y ait une personne référent sur le deuil par école, par service hospitalier, par entreprise, par Ehpad pour qu’au sein de chaque structure quelqu'un accompagne les personnes en deuil. Il faut peut-être une campagne d’information nationale sur ce qu’est un deuil et plus de formation. Cela dépasse complètement le cadre de la médecine. C’est de la prévention des risques psycho-sociaux et du suicide aussi. C’est un enjeu majeur pour notre société."