« Il ne faut pas que Vincent Lambert soit un étendard »
Le tribunal administratif doit annoncer dans les prochains jours s'il confirme ou non la décision du CHU de Reims d'arrêter les traitements de Vincent Lambert. Le Dr Véronique Fournier revient sur la situation de ce patient et la bataille que se livre sa famille à son sujet.
Les parents de Vincent Lambert, ainsi qu'un frère et une sœur, ont déposé un recours en référé liberté à l'effet suspensif, pour empêcher la mise en œuvre de l'arrêt des traitements de Vincent Lambert. Cette décision, prise à l’issue d’une procédure collégiale de cinq mois, avait été annoncée le 9 avril par le Dr Vincent Sanchez du CHU de Reims. Vincent Lambert a été victime d’un accident de la route en 2008. Il est depuis hospitalisé en état « pauci-relationnel » , un état de conscience minimale.
Dr Véronique Fournier, présidente du Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie a répondu aux questions Magazine de la Santé.
- La loi sur la fin de vie est-elle adaptée aux patients qui sont en état pauci-relationnel ?
Dr Véronique Fournier : « Oui, absolument. Cette loi sur la fin de vie n’est pas destinée uniquement aux patients qui sont en fin de vie, malgré son titre. C’est une loi qui s’adresse aussi à toutes les personnes qui sont à risque d’être en situation d’obstination déraisonnable. En état pauci-relationnel, la vraie question, c’est, est-ce qu’on est en état d’obstination déraisonnable ou pas ? »
- Comment définir l’« obstination déraisonnable » ?
Dr Véronique Fournier : « Justement, le problème c’est qu’il n’y a pas de critères d’objectivité de l’obstination déraisonnable. Ce qui sera considéré comme une obstination déraisonnable pour certains sera considéré comme une non-obstination déraisonnable pour d’autres. Et c’est exactement cela qui se passe dans l’affaire Vincent Lambert. Il nous semble que ce qui est important, c’est de reconnaître une certaine subjectivité en la matière. C’est-à-dire que le seuil des uns n’est pas le même que le seuil des autres et que finalement, ce qui nous revient en tant que société, c’est d’accompagner les gens là où ils sont, dans leurs convictions intimes, dans ce qu’ils ont été, dans ce qu’est leur personnalité. Ce n’est pas un diagnostic médical absolu, objectif et définitif. »
- Dans le cas de Vincent Lambert, comment la décision d’arrêt des soins peut-elle être prise ?
Dr Véronique Fournier : « Il faut savoir qui doit prendre la décision et finalement c’est la question qui nous est souvent posée. Qui est le plus légitime pour prendre la décision dans cette situation singulière-ci ? Moi, il me semble selon mon expérience, que ce sont ceux qui sont à son chevet quotidiennement, les soignants qui font sa toilette, qui essayent de lui rendre la vie confortable et heureuse et ce sont ses proches les plus proches. Ceux qui le connaissent vraiment, et ceux avec qui il a passé les dernières années de son existence, c’est-à-dire ceux qui sont capables de porter sa parole la plus récente. En l'occurence sa femme et sa fille. Il ne faut pas que Vincent Lambert soit un principe, un étendard au service d’une cause. C’est un homme qui est fait de chair et d’os. »