Le don d'organes des enfants : un sujet encore tabou
L'histoire médiatisée d’une famille américaine permet de faire le point, en France, sur la pénurie de don d'organes chez les enfants.
Leur histoire a fait le tour de la toile. A Oklahoma City, aux Etats-Unis, une femme enceinte, qui savait son futur enfant condamné, a décidé de mener sa grossesse à terme pour pouvoir donner les organes de son enfant. Au cours d'une échographie, les médecins ont en effet diagnostiqué une anencéphalie, une malformation très grave du système nerveux central du fœtus, qui se traduit par une absence totale ou partielle d’encéphale, de crâne, ou de cuir chevelu.
Les futurs parents le savent, leur bébé est condamné. Son cerveau n’est pas viable, mais ses reins, ses mains, ses pieds, ses poumons et son foie, visiblement fonctionnent. Le couple a donc décidé d’en faire don à des enfants en attente de greffe.
En France, ce type de démarche serait radicalement impossible. En cas de maladie grave ou de malformation, personne ne peut être donneur d’organes. Et si le choix de cette famille soulève des interrogations d’ordre éthique, il permet de lever un tabou, celui du don d’organe chez les enfants.
Le Pr Olivier Bastien, directeur Prélèvement - Greffe d'organes, tissus à l’Agence de la biomédecine, répond à nos questions :
- Quels problèmes éthiques le choix de ce couple soulève-t-il ?
Pr Olivier Bastien : "Des problèmes éthiques et juridiques puisque le prélèvement d’organes en France n'est possible qu'en cas de mort encéphalique, ou en cas d’arrêt circulatoire dans le cadre par exemple des limitations thérapeutiques ce qui n’est pas le cas pour le moment pour cette famille."
- En France, nous souffrons d’une pénurie d’organes pour les enfants en attente de greffe. La situation est-elle encore plus critique que pour les adultes ?
Pr Olivier Bastien : "Elle n’est pas plus critique, mais elle est complètement différente. On parle pour les enfants de pénurie dynamique. Autrement dit, on a des organes, mais pas forcément au bon moment. Et souvent, les pathologies de ces enfants, que ce soit pour le foie ou pour le cœur, ne permettent pas d’attendre longtemps. Donc la solution est d'augmenter les échanges internationaux, en particulier européens. On a donc une plateforme pour échanger avec l'Allemagne, par exemple, ou l'Angleterre."
- En France, la loi est très précise : tant qu’on n’a pas dit qu’on ne voulait pas donner ses organes, c’est qu’on est tacitement d’accord pour le faire. Mais ce n’est pas le cas pour les enfants…
Pr Olivier Bastien : "Effectivement, pour tous les mineurs, il faut une autorisation parentale, comme pour toute intervention chirurgicale. Les démarches anticipées n’existent pas pour les moins de 18 ans. Par contre, à partir de l’âge de 13 ans, on peut s’inscrire soi-même sur le registre du refus. C’est la différence entre l’âge légal et l’âge juridique en matière de consentement."
- Est-ce que les gens sont suffisamment informés, ou le sujet est-il encore trop tabou pour mener des campagnes de sensibilisation ?
Pr Olivier Bastien : "Je ne pense pas que le sujet soit tabou. Il y a quand même des relais médiatiques sur la question. C'est un sujet probablement très difficile pour les parents. Des associations militent avec nous en faveur du don d’organe chez l’enfant. La principale orientation, c’est d’abord de favoriser le don d'organes de son vivant. C'est par exemple possible pour le foie.
"Des parents peuvent faire don d’un lobe de foie à leur enfant. C’est aussi possible pour un rein, à partir du moment ou l’enfant a atteint un certain poids, plus de 25 kg environ. C’est l'une des possibilités pour répondre aux besoins. Il y a environ 250 enfants chaque année qui attendent une greffe d’organes."