Accessibilité des handicapés : les retards continuent de s'accumuler
40% des établissements ouverts au public n'ont pas encore déposé leurs agendas de mise en accessibilité aux personnes handicapées, deux mois après la date limite du 27 septembre prévue par la loi. Si les pouvoirs publics saluent la "mobilisation" de ceux qui jouent le jeu, les associations dénoncent un "échec".
Selon la loi (voir encadré), les établissements recevant du public (ERP) avaient jusqu'au 27 septembre pour déposer en préfecture leurs "agendas d'accessibilité programmée" (Ad'ap), document donnant un calendrier précis de travaux et un engagement financier.
Selon la déléguée ministérielle à l'accessibilité, Marie Prost-Coletta, interrogée par les journalistes de l’Agence France Presse, les Ad'ap déposés concernaient début décembre "plus de 208.400 établissements" et les demandes de prorogation de dépôt "87.551 ERP", soit au total près de 296.000.
Les structures ou collectivités gérant des patrimoines importants peuvent demander jusqu'à 12 mois de plus pour déposer leurs agendas. "Une dizaine d'universités" auraient ainsi demandé "entre deux et quatre mois supplémentaires". Parmi les bons élèves, la ville de Paris a en revanche présenté dans les temps son agenda, concernant 1.800 établissements à rendre accessible d'ici 2020, un investissement de 200 millions d'euros.
Certains départements n'ayant pas encore fait remonter leurs derniers chiffres mensuels actualisés, "nous allons dépasser les 300.000 établissements" engagés dans le dispositif d'agendas, a précisé Mme Prost-Coletta.
"C'est six fois plus que ce qu'on avait réussi à faire avec la loi de 2005", se félicite-t-elle. En effet, "sur un million d'ERP en France, 300.000 avaient été mis en accessibilité entre 2007 et 2015, dont 250.000 parce qu'ils étaient neufs et uniquement 50.000 existants qui avaient fait des travaux pour être accessibles".
"Réveiller" les retardataires
Le collectif "pour une France accessible", qui regroupe plus de 25 associations de personnes handicapées, âgées ou d'usagers de la voirie et des transports, déplore de son coté le fait que 40% des établissements manquent encore à l'appel. Il y voit le signe d'une "faillite" du dispositif gouvernemental, auquel il s'était opposé dès sa conception.
Ceux qui ne se sont pas manifestés "peuvent encore déposer leurs Ad'ap, mais ils doivent justifier leur retard", a souligné Mme Prost-Coletta. Pour le moment, les pouvoirs publics n'ont pas appliqué de sanctions aux retardataires (amendes allant de 1.500 euros à 5.000 euros par établissement).
Un décret sur la procédure de sanctions doit d'abord être publié, a insisté Mme Prost-Coletta. Mais "une fois les dossiers instruits et le décret sanctions sorti, les services préfectoraux iront chercher ceux qui n'ont envoyé ni attestation d'accessibilité, ni agenda", prévient-elle. "L'objectif est de mobiliser ceux qui ont voulu se cacher. Je souhaite que de premières vagues de mises en demeure les réveillent, et que par le bruit du tamtam, ça réveille aussi ceux qui pensaient être passés à travers les gouttes".
Pour l'heure, elle préfère saluer la "mobilisation de tous les responsables des différents secteurs" qui se sont engagés dans la démarche. Elle cite les "gros patrimoines" (réseaux bancaires, grandes villes), les autorités organisatrices de transports ("on est à plus de 50% qui ont déposé un Ad'ap ou demandé un délai, et il en arrive encore") ou encore les chambres de commerce et d'industrie.
Parmi ceux qui ont répondu dans les temps, la SNCF s'est engagée à rendre accessibles 160 "points d'arrêt nationaux" (gares, quais et service) pour 820 millions d'euros d'investissements sur neuf ans.
La loi handicap de 2005 avait prévu que les lieux et transports publics devaient être accessibles aux personnes handicapées avant le 1er janvier 2015. Cette échéance n'ayant pas été respectée, la loi du 5 août 2015 a instauré de nouveaux délais : de 3 ans pour les établissements pouvant accueillir jusqu'à 200 personnes (commerces de proximité, restaurants, cabinets médicaux...), à 6 ans, voire 9, pour les établissements de plus grande capacité, en "difficulté financière avérée" ou encore les transports ferroviaires.