"L'aidant assure un rôle d'aide-soignant sans être formé"
Journée nationale des Aidants. Comment améliorer la santé physique et mentale des aidants ? Les propositions de l'association Je t'aide.
Selon une étude de 2012 de la DRESS, le stress, l’anxiété et le surmenage sont exprimés par les ¾ des aidants ressentant une charge lourde et par la moitié de ceux déclarant ressentir une charge moyenne (contre 29% pour l'ensemble des aidants). 63% des aidants accompagnant un proche souffrant de cancer expliquent un impact quotidien sur leur sommeil (source : Observatoire national des cancers, 2016). 44% des jeunes aidants affirment avoir mal au dos et aux bras (enquête IPSOS 2017).
"On compte d'un côté les impacts sur la santé mentale (de l'anxiété et du stress à la dépression, au burn-out, aux épisodes psychotiques, aux tentatives de suicides dans les cas les plus graves), explique le Dr Hélène Rossinot, interne en santé publique et auteur d'une thèse sur le vécu des patients et des aidants en hospitalisation à domicile. De l'autre, il y a les impacts sur la santé physique, telle qu'une fatigue importante, des troubles du sommeil, un déficit nutritif, une plus grande susceptibilité aux infections, et même des perturbations des fonctions respiratoires, immunitaires et cardiovasculaires. Il y a aussi le risque de blessure en prenant soin du patient (par exemple, un mal de dos quand on l'aide à se lever)."
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Quelles solutions ?
- Sensibiliser les aidants à leur santé
"Il faut déjà faire comprendre aux aidants qu'ils sont sur un parcours long et semé d'embûches et s'ils ne prennent pas soin de leur santé, ils ne tiendront pas le coup, détaille Claudie Kulak, présidente de l'association Je t'aide (anciennement Journée nationale des aidants). La perte d'autonomie est un long chemin où les aidants doivent être en forme pour accompagner leur proche qui va se fragiliser de plus en plus. Pour cela, ils doivent prendre soin d'eux et faire leurs contrôles médicaux régulièrement." Il est donc primordial d'agir en amont pour éviter de s'épuiser, d'abord en prévenant son généraliste si l'on devient aidant : "le généraliste connaît bien les impacts sur la santé et il pourra les surveiller et les anticiper", confirme le Dr Rossinot.
- Ne pas rester seul et parler
Il ne faut pas rester seul et si continuer à voir ses proches. SI on est seul, il faut se rapprocher des réseaux de la région car ils savent ce que vivent les aidants et peuvent donner des conseils pratiques, de prévention et quotidiens." Autre conseil, parler de ses difficultés à l'équipe de soins du patient, ce que l'aidant fait rarement. "Ces soignants sont les mieux placés pour comprendre ce que l'aidant vit et trouver des solutions. L'aidant fait partie de la prise en charge et s'il craque, celle-ci est compromise !" Un soutien psychologique serait indispensable pour aider les proches à évacuer leurs difficultés mais il coûte cher et est rarement mis en pratique, faute de temps.
- Se former et s'informer
"En théorie, il faudrait beaucoup plus d'heures d'aide à domicile financées et l'aidant devrait avoir simplement passer du temps avec son proche, préparer les repas ! Mais soyons réaliste, ce ne sera pas fait et il faut donc financer la formation des aidants. Nous allons faire une plate-forme d'auto-formation des aidants pour les gestes du quotidien."
Pour le Dr Rossinot, les infirmiers libéraux pourraient être les piliers de l'éducation thérapeutique des aidants : "ce sont les seuls qui connaissent le domicile et ses problèmes. Or il faudrait qu'ils puissent faire de l'éducation thérapeutique de l'aidant, apprendre à lever un malade, à utiliser le matériel (comme un lève-malade), faire une glycémie, ou comment placer un bassin. Il faut former l'aidant, l'éduquer pour qu'il soit moins stressé, moins culpabilisé... Ce ne serait pas très compliqué à mettre en place !"
Les associations se battent pour faire reconnaître le rôle essentiel des aidants : "il faut faire reconnaître leur voix dans le parcours du proche : l'aidant assure un rôle d'aide-soignant sans être formé ! s'exclame Claudie Kulak. Il doit comprendre la pathologie du proche, prendre les rdv médicaux, gérer les ordonnances, vérifier la bonne prise des médicaments, faire les soins et accompagner parfois en fin de vie. Les aidants ne sont pas formés pour ça. Si on prenait conscience du rôle de l'aidant, on l'accompagnerait mieux."
- Suivre les conseils de base
Le Dr Rossinot et la présidente de l'association concluent par des conseils très simples : il ne faut pas oublier de manger, de dormir et de faire du sport pour se vider la tête. "La priorité de l'aidant est le patient or être en bonne santé et prendre du temps pour soi devrait être la priorité ! recommande le Dr Rossinot. C'est facile à dire mais très difficile à mettre en pratique ; il ne faut pas culpabiliser car ça aide le patient à terme !"
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L'association Je t'aide propose un site et un kit pratique. Du 5 au 8 octobre, assistances sociales, psychologues, conseillères répondront à toutes les questions au numéro 09 69 39 74 70.