Après le Gingko, l’homéopathie bientôt sur la sellette ?
Tanakan®, Ginkogink®, Tramisal®…. tous les médicaments à base de Gingko biloba sont remis en cause par la Commission d’autorisation de mise sur le marché de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Elle vient de déclarer que leur rapport bénéfices/risques est défavorable.
"C'est historique"
"C’est historique", estime le Pr. Jean-François Bergman, vice-président de la Commission d’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM). "C’est la première fois que l’on conclu à un rapport bénéfice/risque défavorable pour un médicament qui n’apporte pas de bénéfices, certes, mais qui ne présente pas de risques non plus." Pour le novice, pareille affirmation peut provoquer une première surprise : il existerait des médicaments reconnus par nos instances sanitaires qui ne seraient pas vraiment efficaces ?
"Bien sûr", répondraient probablement en cœur tous les membres de la Commission en question. Et avec eux l’ensemble de la communauté médicale. Ces traitements, veinotoniques en tête par exemple, sont d’ailleurs de plus en plus souvent dans l’œil du cyclone en cette période de restrictions budgétaires. D’ailleurs, la Sécurité sociale ne les rembourse plus ou pratiquement plus.
C’est le cas des médicaments à base de Gingko biloba : Tanakan®, Tramisal®, Vitalogink®, Ginkogink®, Gingko Biogaran® et Ginkmongo® pris en charge à seulement 15 %. Il s’agit de vasodilatateurs périphériques, c’est-à-dire des produits qui augmenteraient le diamètre des vaisseaux sanguins au niveau des jambes ou du cerveau, par exemple. Avec de larges indications accordées il y a plus de 30 ans. Elles comportent les déficits pathologiques cognitifs et neurosensoriels du sujet âgé (sauf maladie d’Alzheimer et autres démences), les problèmes de claudication provoqués par des artères obstruées dans les jambes, sans oublier les baisses d’acuité et troubles du champ visuel ou vertiges, les baisses d’acuité auditive et les acouphènes, lorsque la cause est présumée vasculaire.
La Commission d’AMM vient donc ce 3 novembre 2011, de déclarer que leur rapport bénéfice/risque est défavorable. Cette commission est chargée d’évaluer l’intérêt des traitements pour savoir s’ils méritent, ou non, d’être prescrits par les médecins français. Jusque là, ce type d’avis négatif était réservé à des produits inquiétants, dans la lignée du Mediator®. Le 13 octobre 2011, par exemple, à la réunion de Commission précédente, c’est le Primpéran® (contre les vomissements) qui a été jugé trop dangereux pour les enfants en raison d’effets neurologiques extra-pyramidaux (tremblements, mouvements de la tête et du cou), en cas de surdosage. Idem pour des traitements anti-diabétiques contenant du pioglitazone (Actos® et Compectat®), le 9 juin 2011, en raison d’un risque de cancer de la vessie.
Leur efficacité a été jugée insuffisante dans toutes les indications
Les "Gingko", eux, provoquent seulement "des effets indésirables majoritairement non graves". Mais, "leur efficacité a été jugée insuffisante dans toutes les indications". Résultat, ils risquent de perdre l’autorisation de mise sur le marché, c'est-à-dire de ne plus être reconnus comme des médicaments. En attendant cet éventuel verdict, l’Afssaps va écrire dans quelques jours aux professionnels de santé pour "leur demander de revoir de façon individuelle, lors d’une prochaine consultation et sans urgence, le rapport bénéfice/risque de ces médicaments en tenant compte du fait que leur efficacité a été jugée insuffisante dans toutes leurs indications".
"Dérembourser toute l’homéopathie ?"
"Mais alors à ce moment-là, ils n’ont qu’à dérembourser toute l’homéopathie qui n'a jamais, non plus, pu faire la preuve de son efficacité ?!", s’exclame le Dr Jean-Paul Hamon, médecin généraliste et président de la Fédération des médecins de France. "Pour ce produit en particulier, bien sûr, je n’en prescris plus qu’à une vieille patiente qui pense vraiment que ça améliore sa circulation cérébrale… et à qui je suis sûr que cela ne fait aucun mal !". Et de rappeler la force de l’effet placebo. "A un certain moment, quand les paroles ne suffisent plus, si un médicament peut aider sans présenter le moindre danger, je ne me l’interdis pas ! Surtout s’il ne coûte rien à la collectivité !" Et de proposer plutôt le déremboursement des traitements de la maladie d’Alzheimer qui coûtent 270 millions d’euros à la Sécurité sociale et dont on vient de reconnaître la faible utilité.
"Moi, j’explique aux familles que le meilleur traitement, c’est l’entourage, et qu’il ne faut pas lésiner sur l’aide aux proches qui accompagne le malade au quotidien". D’ailleurs, explique le Dr Jean-Paul Hamon, "dans le cas des déficits cognitifs liés au grand âge, un des risques générés par la disparition du Tanakan® pourrait justement être de voir les médecins prescrire davantage ces traitements très coûteux ! La question posée par cette décision est donc surtout celle d’une meilleure définition de la politique française du médicament : établir, au delà du cas par cas, des priorités compatibles avec nos moyens financiers. C’est exactement la demande faite par la Cour des comptes dans son dernier rapport de septembre 2011 à nos instances sanitaires".