Etats-Unis : la réforme santé d'Obama en sursis
Aux Etats-Unis, la bataille autour de la réforme sur la santé d'Obama fait rage. Les explications avec Géraldine Zamansky, journaliste à la rédaction du Magazine de la santé.
Après un premier échec en mars 2017, les Républicains ont réussi au début du mois de mai à faire voter une loi qui détruirait une bonne partie de l'héritage Obama en matière d'accès aux soins. Mais pour tenir cette promesse de Donald Trump et obtenir de justesse 217 votes favorables contre 213 oppositions, les Républicains ont fait des concessions de dernière minute. Des concessions dont le coût s'élève à plusieurs milliards de dollars.
Les experts financiers du Congrès américain ont donc dû réexaminer l'ensemble. Ils diront vendredi 26 mai si les économies promises sont au rendez-vous. Si tel n'était pas le cas, il faudrait corriger cette copie, et la soumettre à nouveau au vote de la Chambre des représentants avant de pouvoir l'envoyer au Sénat. Le sort de l'Obamacare, "le système de soins d'Obama", se joue donc actuellement.
Les apports de l'Obamacare
La réforme santé d'Obama avait permis à plusieurs millions d'Américains d'obtenir une "assurance maladie". Selon les études, entre 15 et 20 millions de personnes ont pu accéder à une assurance qui leur permet désormais de se soigner quel que soit leur âge, leur sexe ou leur état de santé. Car aux Etats-Unis, l'accès aux soins n'est pas un droit garanti par la collectivité via l'Assurance maladie. Les citoyens sont protégés parce qu'ils travaillent. Mais attention, pas n'importe quel travail. Les personnes travaillant dans une petite entreprise, à temps partiel ou encore à leur compte ne peuvent pas bénéficier de cette couverture.
Avant la réforme Obama, ce système de prise en charge public était réservé aux personnes souffrant de certains handicaps, aux enfants pauvres et parfois à leurs parents, à certaines personnes âgées et aux femmes enceintes ayant également de faibles revenus. Son accès a été élargi à tous les Américains, dont le revenu ne dépasse pas de 40% le seuil de pauvreté, soit environ 1.300 dollars par mois.
Suppression de l'Obamacare : quelles conséquences ?
Si la loi "en cours d'examen" est votée, les nouveaux bénéficiaires de Medicaid auront beaucoup moins de soins. Cette loi prévoit en effet de faire 880 milliards de dollars d'économie sur le budget de Medicaid dans les dix prochaines années. Ceux qui risquent de perdre leur assurance appartiennent à l'autre grand groupe de bénéficiaires de la réforme Obama. Il s'agit des personnes qui ont pu enfin être protégées à un prix raisonnable malgré des antécédents médicaux. Car la loi interdisait désormais aux assurances de leur faire payer des primes supplémentaires. Avec le texte "Trump", les Etats qui le souhaitent pourraient lever cette interdiction en cas de diabète, de troubles cardiaques, de dépression ou même de césarienne... Et cela inquiète des millions d'Américains.
L'ancien président, Barack Obama, ne rate pas une occasion de défendre sa réforme. Son parcours a d'ailleurs été salué par un prix "du courage" de la fondation Kennedy. Il a alors rendu hommage aux élus démocrates qui avaient osé voter l'Obamacare en 2010 au risque de perdre leur mandat. Car un grand nombre d'Américains refusaient un autre aspect de la réforme : l'obligation d'être assurés. Il espère donc désormais que d'autres élus, républicains cette fois, oseront s'engager à leur tour dans les prochains jours et les prochaines semaines.
Vingt élus républicains se sont d'ores et déjà opposés au texte à la Chambre des représentants. Plusieurs sénateurs républicains ont déjà fait savoir qu'ils y étaient opposés et qu'ils écriraient leur propre projet. C'est le cas de Dean Heller, sénateur du Nevada, dont le mandat sera en jeu en 2018. Il défend l'extension de Medicaid et exige des garanties de protection pour les personnes ayant des antécédents médicaux.
Des électeurs en colère
La colère des électeurs se fait de plus en plus entendre, notamment celle des électeurs "seniors" dont la voix pèsent de plus en plus lourd dans nos populations occidentales. Une de leurs associations parle d'une réforme douloureuse car l'âge redeviendrait pénalisant. Plus largement, des médecins, des centres de santé, et même des assureurs, dénoncent l'atteinte directe aux soins des plus vulnérables.
Certains médecins redoutent de revivre les années noires d'avant la réforme où des personnes en état de crise étaient renvoyées dans la rue parce qu'elles n'avaient pas d'assurance. Aujourd'hui, dans les centres de soins, comme dans les hôpitaux de ville, les Urgences accueillent beaucoup moins de patients à des stades incurables, faute d'avoir pu se soigner avant. Selon eux, l'espérance de vie s'est améliorée grâce à la réforme Obama. Le risque, c'est qu'elle disparaisse avant que les statisticiens ne puissent vraiment l'évaluer.