Les étudiants en médecine mal sensibilisés aux conflits d'intérêts
Les futurs médecins sont mal protégés contre l'influence et les petits cadeaux des laboratoires pharmaceutiques, selon un classement des facultés de médecine de France réalisé par le Formindep, une association pour une formation et une information médicales indépendantes.
L'étude, la première du genre en France, parue dans la revue scientifique en accès libre Plos One, concerne 37 facultés et a porté sur 13 critères (financement de conférenciers, formation des étudiants aux problèmes de conflits d'intérêts, repas et cadeaux...).
"Seules 9 facultés sur 37 ont pris des initiatives pour se prémunir contre les conflits d’intérêts qui surgissent en cas de liens de l’établissement ou de ses enseignants avec l’industrie du médicament", selon cette étude. "Les 28 autres, n’ayant adopté à ce jour aucune mesure en ce sens, n’obtiennent aucun point [dans notre classement]", note Paul Scheffer de l'université Paris 8, co-auteur de ce classement. "Les résultats montrent, sans surprise, que la situation française n’est pas brillante [en matière d'indépendance]".
Pour chaque critère retenu, une note sur 2 était attribuée par les chercheurs en fonction des données rendues accessibles par les universités, de renseignements provenant du terrain, ainsi que d’un questionnaire adressé aux doyens des établissements. Les deux meilleures élèves du classement sont les facultés de Lyon-Est et d'Angers, avec respectivement 5 et 4 points. Suivent sept établissements ex-aequo, avec chacun 1 point : Aix-Marseille, Lyon Sud, Paris Descartes, Paris Diderot, Rennes 1, Strasbourg et Toulouse Purpan. Les 28 autres n’obtiennent aucun point, faute de mesures prises et de réponses des doyens. Au total, seuls trois doyens ont renvoyé le questionnaire aux chercheurs.
Un classement pour faire prendre conscience d'un problème
L'initiative s’inspire d’un palmarès établi chaque année par l'Association américaine des étudiants en médecine. Si la situation française n'est pas brillante, "celle des États-Unis, lors du premier classement réalisé en 2007, ne l’était pas beaucoup plus", commente Paul Scheffer, qui observe que des changements significatifs se sont produits outre-Atlantique en moins d’une décennie.
"La majorité des universités américaines se sont hissées en haut du tableau. Et selon plusieurs études, les étudiants qui en sortent prescrivent différemment, d’une façon moins orientée par le marketing des firmes et plus favorable aux patients", ajoute-t-il.
Étude : Conflict of Interest Policies at French Medical Schools: Starting from the Bottom. P. Scheffer et al. PlOS One, 9 janvier 2017. doi:10.1371/journal.pone.0168258