Prison de Fresnes : violence des surveillants, invasion de rats... une situation explosive
La contrôleure des prisons, Adeline Hazan, publie ce 14 décembre des observations accablantes sur le centre pénitentiaire de Fresnes (Val-de-Marne), et dénonce des conditions de vie "indignes" : usage banalisé de la violence par les surveillants, invasion de rats, surpopulation… Selon les syndicats, Fresnes serait "une cocotte-minute prête à exploser".
Plusieurs agents du CGLPL (contrôleur général des lieux de privation de liberté), ont effectué une visite à la maison d'arrêt de Fresnes pendant deux semaines début octobre 2016. Leur conclusion : les conditions de vie des détenus "constituent un traitement inhumain ou dégradant", contraire à la Convention européenne des droits de l'homme.
Avec un taux d'occupation moyen qui frise les 200% et un nombre de détenus - près de 3.000 - qui a bondi de 52% en dix ans, Fresnes offre des "conditions d'hébergement indignes […] très en-deçà des normes fixées par le Comité européen pour la prévention de la torture", dénonce la contrôleure générale Adeline Hazas.
Cette dégradation relèverait d'une "évolution relativement récente" selon Mme Hazas, qui observe que la précédente investigation, menée en 2012, n'était pas aussi alarmante. Quoi qu’il en soit, la rénovation de cet établissement construit à la fin du XIXe siècle s'impose désormais comme une "urgence", écrit-elle.
Impossible de faire respecter les droits fondamentaux
Le personnel en sous-effectif est composé d'environ "70% de stagiaires" et un seul surveillant gère 120 détenus, selon le rapport. Dans ces conditions, le respect des droits fondamentaux est "structurellement impossible", argue la contrôleure générale, observant que la fouille intégrale "devient la règle et non l'exception".
Il règne dans la prison "un climat de tension permanente" et les surveillants ont développé "un usage banalisé de la force et des violences". Trois d'entre eux ont récemment fait l'objet de sanctions disciplinaires, relèvent les contrôleurs. L'un d'eux a frappé un détenu en pleine crise d'épilepsie, selon une source pénitentiaire. Trois autres ont été placés en garde à vue ce 12 décembre, soupçonnés d'avoir fourni des téléphones portables et de la drogue à des détenus, moyennant finance.
Invasion de rats
Mais "l'anomalie la plus grave", selon la contrôleure, reste "l'hygiène déplorable". Les rats "évoluent en masse" dans les cours et aux abords des immeubles, attirés par les "amas d'ordures" au pied des bâtiments. Certains pénètrent même dans la détention.
"Les rats ont toujours existé", raconte à l’AFP M. Godet, délégué syndical Ufap-Unsa (majoritaire) à Fresnes. Mais ils prolifèrent selon lui "depuis 2011", lorsque les repas "en barquette" ont remplacé le service "à la louche" des détenus, et provoqué une explosion des détritus, jetés par les fenêtres.
En 2016, deux détenus de Fresnes ont contracté la leptospirose, maladie potentiellement mortelle transmise par les rats. Saisi par l'Observatoire international des prisons (OIP), le tribunal administratif de Melun a ordonné début octobre à l'Etat d'"intensifier" la dératisation.
En réponse aux observations de la contrôleure, le ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas a détaillé dans une lettre les travaux prévus pour 2017 afin de lutter contre les rats. L'Etat va consacrer plus de 900.000 euros notamment pour empêcher les jets de détritus en réparant les grillages aux fenêtres.
Surpopulation
Dans la prison, prévenus et condamnés sont mélangés et plus de la moitié des détenus vivent à trois dans une cellule standard de 10m2, entassés dans des lits superposés. "C'est ce qu'on appelle les triplettes", confirme Frédéric Godet. "Ce que le rapport dénonce, ça fait juste 20 ans qu'on le souligne."
"Si on était dans le privé, l'établissement aurait fermé depuis longtemps", abonde Cédric Boyer, secrétaire local de FO Pénitentiaire. Pour lui, "Fresnes, c'est une cocotte-minute prête à exploser". Là où les prisons voisines de la Santé et de Fleury-Mérogis sont en cours de rénovation, Fresnes patiente "depuis des années", insistent ces syndicalistes.
Dans sa réponse à Adeline Hazan, Jacques Urvoas a soulignait que le budget 2017 prévoyait de lancer la construction de trois maisons d'arrêt en Ile-de-France pour désengorger les prisons.