Infirmières en colère : "Il y a des vies de patients et de soignants qui sont en jeu"
Après les gilets jaunes, les blouses blanches. Grandes "oubliées" du plan santé, les infirmières sont appelées mardi à cesser le travail et à manifester partout en France par seize organisations dénonçant leurs conditions de travail.
Nathalie Depoire, présidente de la Coordination infirmière nationale, a répondu aux questions du Magazine de la santé.
- Que reprochez-vous au plan santé présenté en septembre 2018 par Emmanuel Macron ?
Nathalie Depoix : "On a écouté attentivement le discours d'Emmanuel Macron en septembre, on a beaucoup parlé des médecins, il y a eu des enveloppes chiffrées pour les médecins mais pour les infirmières, on se contente de constater le maladie, la perte de sens au travail... mais on n'a aucune mesure concrète alors que quel que soit notre secteur d'activité (à l'hôpital, en libéral, en milieu scolaire...) nous avons des difficultés, des conditions d'exercice dégradées et des problèmes de prise en charge."
- Cette réforme prévoit notamment la mise en place d'assistants médicaux pour les médecins. Qu'en pensez-vous ?
Nathalie Depoix : "Nous ne sommes pas reconnus dans nos compétences et là, on veut créer un nouveau métier d'assistant médical alors que nous, à chaque fois que l'on demande, on nous dit qu'il n'y a pas d'argent. Là on prend une enveloppe sur la Sécurité sociale, ce qui est discutable, pour donner des assistants médicaux dans des cabinets où il y a déjà deux, trois médecins... Que fait-on dans les zones où il n'y a pas de médecin, où l'on attend des prescriptions ? Est-ce qu'il n'est pas temps de donner plus d'autonomie aux infirmières, notamment pour les prescriptions, là où on manque de médecins ?"
- Depuis quelques mois, un nouveau métier a été créé, celui d'infirmier en pratique avancée, est-ce pour vous une forme de reconnaissance ?
Nathalie Depoix : "C'est quelque chose que l'on attendait. Mais cela reste très cloisonné et sous coordination médicale. Or, cela risque de poser problème dans certaines régions où l'on manque de médecins. C'est une avancée mais il y a encore beaucoup de choses à construire. Ca n'est pas la réponse à toutes les demandes des infirmiers. Ça va concerner 2, 3 ou 4% de notre profession au maximum, or nous sommes 660.000, vous voyez le ratio ! Aujourd'hui, nous avons besoin d'être entendues, pour les patients."
- Quelle est la rémunération des infirmiers à l'hôpital ?
Nathalie Depoix : "A l'hôpital, une infirmière en début de carrière tourne à 1.400 euros net et termine à 2.400 euros au niveau licence. En terme de salaires, nous sommes tout en bas de l'échelle européenne. Ça n'est plus possible. Mais le problème, ce n'est pas tant le salaire mais nos conditions de travail. Des vies de patients sont en jeu, des vies de soignants aussi. A force d'avoir de l'épuisement professionnel, on a des problèmes de santé graves, voire des suicides, ce qui est dramatique."
- Quelles sont les conditions de travail des infirmières à l'hôpital ?
Nathalie Depoix : "On a réduit les effectifs et des postes d'infirmières ne sont pas remplacés. Parfois, quand une infirmière est absente et que l'on ne trouve personne, on va carrément piocher dans un autre service. Par exemple, une infirmière qui travaille depuis des années en cardiologie, du jour au lendemain, on va lui demander d'aller dépanner en chirurgie sans avoir pris le temps de faire la mise à jour sur les protocoles de soins etc. Quand on demande à une puéricultrice du jour au lendemain d'aller en traumatologie avec des immobilisations particulières, c'est très compliqué..."