Implants médicaux : un scandale sanitaire mondial ?
Une investigation mondiale menée par le consortium international de journalistes d'investigation (ICIJ) fait des révélations inquiétantes sur les implants médicaux. Les prothèses de hanche, implants mammaires, stents etc. sont soumis à une réglementation européenne qui permet toutes les dérives.
Chloé Hecketsweiler, journaliste au Monde et co-auteur de l’enquête « Implant Files » a répondu aux questions du Magazine de la santé.
- Pourquoi les procédures de mise sur le marché des dispositifs sont-elle si simples, comparé à celles des médicaments ?
Chloé Hecketsweiler, journaliste au Monde : "La décision a été prise par les autorités européennes dans les années 90 d’adopter une procédure complètement différente pour les implants médicaux que pour les médicaments. On n'a pas du tout le même niveau d’exigence entre ce qui est requis pour l’autorisation de mise sur le marché d’un nouveau médicament et celui d’un implant médical avec ce marquage CE qui est le même que celui que l’on retrouve sur un tas de produits de la vie courante. La certification, au lieu d’être confiée à des autorités de santé officielles, est confiée à des organismes notifiés qui sont des sociétés privées et ces sociétés privées sont payées par les fabricants pour examiner les dossiers de certification avec beaucoup moins d’obligations que ce qui existe pour un médicament. Il n’y a pas forcément d’études cliniques, les fabricants peuvent se référer à la littérature scientifique de façon générale mais sans avoir l’obligation de prouver que leur produit implanté chez un être humain est sûr et efficace et puis il y a aussi cette problématique du conflit d’intérêt puisque celui qui juge le dossier est payé par le fabricant. Donc on se doute bien qu’un organisme notifié un peu trop exigeant craint de perdre sa clientèle."
- Une fois que le dispositif médical est mis sur le marché, comment surveille-t-on les effets indésirables ?
Chloé Hecketsweiler, journaliste au Monde : "Il existe en France un registre qui permet de tracer tous les incidents liés à ces dispositifs médicaux. Cette base de données s’appelle « MRVeille » et elle est alimentée essentiellement pas les déclarations des professionnels de santé et aussi des fabricants, qui ont l’obligation de rapporter les incidents qui ont pu être occasionnés par leurs dispositifs. Mais aujourd’hui, le problème, c’est que très peu de ces incidents sont remontés, il y a une véritable sous-déclaration, à la fois de la part des médecins, des chirurgiens et des fabricants ce qui fait que peu de données émergent et ces données sont assez incomplètes."
- Les médecins sont-ils obligés de signaler ces effets indésirables ?
Chloé Hecketsweiler, journaliste au Monde : "C’est une obligation mais il n’y a pas de sanction. C’est laissé à la libre appréciation du médecin et de l’établissement et pour une raison qui nous a souvent été avancée, il est difficile de faire la part des choses entre ce qui est lié au geste du chirurgien et ce qui est lié au dispositif médical lui-même. Quand quelque chose dérape, c’est très difficile pour le chirurgien de signaler le problème."
- Quels sont les dispositifs médicaux qui dysfonctionnent le plus ?
Chloé Hecketsweiler, journaliste au Monde : "L’analyse que nous avons fait de la base américaine de recensement des incidents, qui est la plus complète au monde, montre que ce sont les implants dans le domaine de la cardiologie, le traitement du diabète et les prothèses de hanche qui posent le plus de problème. Mais ce sont aussi les dispositifs qui sont les plus implantés… Dans les jours qui viennent, nous ferons des révélations sur des dispositifs un peu plus particuliers."