Les médecins s'organisent contre les "lapins" posés par les patients

Un syndicat de médecins vient de lancer une pétition pour pouvoir facturer les rdv non honorés par les patients. Ces "lapins" sont-ils fréquents ? Existe-t-il des solutions pour remédier à ces rdv manqués qui désorganisent les cabinets ? 

La rédaction d'Allo Docteurs
La rédaction d'Allo Docteurs
Rédigé le , mis à jour le

En tant que patient, on peut se dire que ce n’est pas très grave de rater un rdv médical sans prévenir sauf que, pour les médecins, c’est un vrai sujet d’exaspération. Il y a des pages entières de messages à ce sujet sur les réseaux sociaux. 

                                                     

Au-delà du manque de respect, c’est un vrai enjeu d’organisation des soins car ces "lapins" représentent 28 millions de consultations par an, cela fait perdre en moyenne 40 min/jour aux médecins. 

Quand on connaît la pénurie de temps médical, ce n'est pas rien. Il y a quelques jours, Agnès Buzyn a comparé ces rdv non-honorés à "une incivilité, une maltraitance".

Pénalisant pour les patients

C’est agaçant d’avoir 2 ou 3 trous dans une matinée de consultation, mais beaucoup de médecins disent qu’ils sont tellement débordés, que ça leur permet d’avancer sur les courriers ou autre paperasse.

C’est pour les autres patients que c’est le plus pénalisant car, quand on ne vient pas sans prévenir, ça prive de consultation un malade qui en a peut-être plus besoin. Cela augmente les délais d’attente et cela contribue à engorger les urgences.

Un syndicat revendique le droit de facturer les RDV manqués

Pour limiter ces rdv non honorés, un syndicat revendique le droit de les faire payer aux patients. C’est l’UFML (Union Française pour une médecine libre) qui a lancé cette idée dans une pétition il y a 15 jours.

Selon eux, c’est le seul moyen de responsabiliser les patients indélicats. Sauf que pour ça, il faut faire changer la loi car le Code de la santé publique est très clair : "Les honoraires ne peuvent être réclamés qu’à l’occasion d’actes réellement effectués". (Art R 4127-53). Le syndicat demande d’ouvrir des négociations pour changer cet article, mais cette proposition fait déjà jaser sur les réseaux sociaux. 

Mais peut-on considérer qu’un rdv médical c’est comme un billet d’avion, si on ne le "consomme" pas, on paye quand même ? Certains accusent ce syndicat de vouloir remplir les poches des médecins à peu de frais. Ils se justifient en expliquant que les sommes récoltées alimenteraient un fonds d’aide aux déserts médicaux mais ça n’a pas suffi à convaincre. La pétition a recueilli à peine 1 000 signatures, en sachant que la France compte 226 000 médecins. On est loin d'un plébiscite… 

Un principe qui existe chez d’autres professionnels de santé

Certains professionnels de santé ne s’en cachent pas. Cette affichette a été vue dans la salle d’attente d’un dentiste. 

Celle-ci chez un kiné. 


C’est formellement interdit. Toujours en raison de cet article du CSP, qui ne s’applique pas seulement aux médecins mais à tous les professionnels de santé : kinés, orthophonistes, sages-femmes… Donc si vous ratez un rdv, vous n’avez pas à payer. Si le professionnel de santé l’exige, il s’expose à une sanction disciplinaire et s’il facture cet acte fictif à la Sécu, c’est une fraude caractérisée. 

Si je ne vais pas à ma séance chez le psy...

L'autre cas de figure, c'est le psy. A-t-on le droit de ne pas le payer en cas de non venue ? C'est vrai que de nombreux psychologues ou psychanalystes (qui ne sont pas médecins) exigent le règlement des rdv manqués ou annulés au dernier moment. Leur argument massue démontre que ne pas venir, serait une forme de "résistance" à l’analyse ou à la thérapie (principe Lacanien). 

On ne va pas rentrer dans un débat sur le rôle de l’argent dans la psychothérapie. Mais d’un point de vue juridique, c’est très flou (sauf si le thérapeute est psychiatre et donc soumis au CSP). Rien n’autorise donc les psychologues/analystes à facturer ces rdv manqués, mais rien ne l’interdit non plus. Concrètement, si vous refusez de payer votre séance manquée, le psy a peu de recours à part une procédure judiciaire pour faire reconnaître le préjudice subi et demander une indemnisation. Tout ça pour le prix d’une seule séance, ça paraît peu probable ! 

Les autres solutions pour limiter le risque de "lapins "

Pour les médecins, c’est clair, c’est interdit de faire payer, alors qu’existe-t-il comme solution ? Certains misent sur la pédagogie, avec humour parfois.
L'autre solution, plus radicale est de refuser les patients les plus désinvoltes. Au bout de 3/4 "lapins", votre médecin a le droit de vous dire "je ne vous prends plus". Le refus des soins est autorisé par le Code de la Santé publique. A deux conditions : il ne faut pas que vous soyez en situation d’urgence et il doit vous adresser à un autre médecin, le prévenir et lui transmettre votre dossier médical.  


Les plateformes de rdv en ligne, une solution  ? 

La plateforme la plus connue, Doctolib, affirme qu’elle fait baisser les rdv non-honorés de 60%. Pour ça elle a deux outils :

  • Les SMS et les mails de rappel qu’on reçoit avant le rdv et la possibilité d’annuler directement sur ce SMS ou mail, jusqu’à 4h avant le rdv.
  • L'autre arme pour faire la chasse aux lapins, c'est qu'à partir de trois rdv annulés, le patient est bloqué, il ne peut plus prendre rdv en ligne.

Visiblement, c’est assez dissuasif, donc efficace. Beaucoup de médecins disent que les patients qui ne viennent pas sont souvent ceux qui prennent rdv via ces plateformes. Des patients parfois nomades, des patients devenus consommateurs de soins. Plateforme ou pas, il va falloir trouver une solution à ces rdv non-honorés qui rallongent encore un peu plus les délais d’attente. Rappelons qu’il faut en moyenne 2,5 mois pour obtenir un rdv chez un ophtalmo, 1,5 mois chez un cardiologue…