Du papier pour stocker les prélèvements sanguins ?
Lorsque vous faites une prise de sang, votre prélèvement est stocké quelques semaines dans un tube. Mais grâce aux progrès de la microfluidique – discipline consacrée à la manipulation des fluides – il pourrait un jour être stocké sur un simple morceau de papier buvard, pour beaucoup plusieurs mois. Cela permettrait notamment de multiplier les analyses biologiques grâce à une petite goutte de sang séché. Explications.
Le test de Guthrie effectué à trois jours de vie permet de dépister quatre maladies rares comme la mucoviscidose grâce à une prise de sang. Le geste est délicat car les veines du bébé sont fines et l'aiguille épaisse. Pour les nouveau-nés, ces quelques secondes sont douloureuses.
Une fois analysés, les tests de Guthrie sont détruits. Le sang prélevé chez les bébés et leur mère est, lui, fréquemment conservé dans des tubes et stockés dans des congélateurs à -80°C.
Une méthode contraignante, comme nous l'explique le Dr Danièle Evain-Brion, directrice de la Fondation PREMUP : "La première contrainte est celle du volume. Un tube contient généralement des échantillons de cinq millilitres, voire un peu moins, mais il a toujours un volume. Pour qu'une collection biologique ait une grande valeur scientifique et médicale, il faut énormément d'échantillons. Donc, soit on multiplie le nombre de congélateurs, soit on réfléchit [à d'autres façons de faire]."
Une chercheuse s'est justement intéressée à cette question : Laura Magro, 26 ans, est spécialisée en manipulation des fluides, autrement dit la microfluidique. Sa trouvaille : conserver les prélèvements sanguins sur papier comme le test de Guthrie, leur donner une seconde vie, dans le but de dépister d'autres maladies.
Diagnostic sur échantillon réhydraté
"L'idée, c'est d'avoir l'échantillon de sang séché sur un disque de papier que l'on peut insérer à l'intérieur d'une "puce microfluidique". Quand on va faire s'écouler les liquides, ils vont rencontrer le papier et le réhydrater, et réhydrater en même temps l'échantillon séché à l'intérieur", détaille la doctorante ingénieure. La puce microfluidique est ensuite positionnée sous un microscope. Une fois fixée, elle est reliée à une seringue qui contient de l'eau. Le sang séché sur le papier est réhydraté et prêt à être analysé.
Cette technique d'analyse microfluidique est encore en phase d'expérimentation, mais ses avantages et applications pourraient être nombreux. Fini, on l'a dit, les piqûres répétées et les flacons de sang stockés dans des congélateurs. Selon le Dr Evain-Brion, "si l'on peut facilement prélever une petite goutte de sang, [ou] un peu de salive à des enfants, et si l'on peut facilement faire transporter ces prélèvements biologiques grâce au papier vers un centre [où le diagnostic peut être réalisé], cela va changer énormément de choses dans des pays [dits "en voie de développement"]".