Accidents, catastrophes : pourquoi est-on parfois incapable de réagir ?
Pourquoi est-on parfois comme "bloqué", incapable de réagir quand un drame se déroule sous nos yeux ? Peut-on dépasser cet état ? J'aurais peur de gêner le travail des secours si une catastrophe survenait, que faut-il éviter de faire ?
Les réponses avec le colonel Jean-Pierre Tourtier, médecin-chef de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, et avec le Dr Gérald Kierzek, médecin urgentiste :
"Face à une catastrophe ou un accident, les comportements sont très variables, c'est ce qu'on appelle la variabilité inter-individus. D'un individu à un autre, il va y avoir une réaction au stress. Il y a parfois de la sidération mais souvent la sidération n'intervient pas immédiatement au moment de l'accident, de l'attaque parce qu'il y a un réflexe de survie, un instinct de survie. La sidération peut en revanche être post-traumatique, elle peut intervenir après l'événement. Et quand on arrive sur des lieux, on peut voir des comportements complètement inadaptés à la situation alors qu'ils l'ont été complètement au moment où il fallait intervenir.
"Il est également important de se préparer et d'anticiper, d'avoir des réflexes. Les services de secours ont ces réflexes, on a un entraînement qui nous permet de "ne plus réfléchir" et de passer sur des automatismes. Et il serait intéressant que dans certaines situations, par une formation, d'avoir des réflexes, d'être formé, d'anticiper. De cette manière, le jour J, les réflexes arrivent. Et quand on dit réflexe, cela signifie que ça ne passe même plus par le cerveau, et du coup on évite la phase de sidération pour pouvoir réagir et avoir la bonne réaction au bon moment."
"Il y a des adaptations au stress qui sont extrêmement positives. Le fait que l'on soit conscient d'un danger peut au contraire vous mettre en action pour lutter contre ce danger. Le 13 novembre 2015, j'ai vu des personnes se mettre à disposition des pompiers, demander comment elles pouvaient faire pour nous aider et être extrêmement efficaces pour sauver des vies. Cela peut donc permettre aussi de hisser le niveau de performance et de disponibilité pour être utile.
"Quand on est sur le lieu d'une catastrophe, il faut protéger, alerter, secourir. Il faut d'abord se protéger soi-même. Il faut se mettre à l'abri du danger pour ne pas qu'il y ait un suraccident et que l'on soit soi-même touché. Il faut ensuite alerter les secours en appelant le 15, le 18 ou le 17. Enfin, il faut se mettre au service de ceux qui sont victimes. Et il faut vraiment que les gens soient conscients qu'il n'y a pas de mauvais gestes, par exemple sur un arrêt cardiaque. Il n'y a pas de mauvais massage cardiaque. La mauvaise réaction, c'est de ne rien faire. Le peu que l'on peut faire va permettre à un groupe de victimes d'arriver plus souvent vivant jusqu'à l'arrivée d'un secouriste professionnel (médecin pompier, médecin samu, pompiers…).
"Il faut prendre des risques mesurés. En cas d'incendie, il ne faut pas s'exposer à la fumée parce qu'il y a un risque d'intoxication au monoxyde de carbone qui est extrêmement dangereuse et qui peut emporter des vies parce qu'elle coupe toutes les capacités motrices et cérébrales. En revanche, il y a des réflexes à avoir. Si on est soumis à un incendie, il faut s'enfermer, se calfeutrer avec des linges humides au niveau de la base des portes et ne surtout pas ouvrir immédiatement les fenêtres ou de chercher à vous jeter dans le vide. C'est dans ce cas que surviennent les morts."