Fin de vie : l'Assemblée approuve la sédation ''profonde et continue''
L'Assemblée nationale a achevé, dans la nuit du 11 au 12 mars, l'examen de la proposition de loi UMP-PS sur la fin de vie. Les députés ont approuvé le recours, dans certains cas, "à une sédation profonde et continue" jusqu'au décès. Ils ont également accepté de donner un caractère contraignant aux directives anticipées (par lesquelles chacun peut stipuler à l'avance son refus d'un acharnement thérapeutique). Un vote solennel aura lieu le 17 mars 2015 sur l'ensemble du texte, avant son examen par le Sénat.
La sédation profonde et continue, article central de la proposition de loi
La sédation profonde et continue, "[cette possibilité de] dormir avant de mourir pour ne pas souffrir", selon l'expression de Jean Leonetti (co-auteur du texte), sera réservée à des malades atteints "d'une affection grave et incurable", et dans des situations précisément décrites par la proposition de loi.
La sédation pourra être décidée par l'équipe médicale lorsque la souffrance du malade, "dont le pronostic vital est engagé à court terme", ne peut être apaisée par des traitements analgésiques. Elle pourra aussi être mise en œuvre lorsque le patient décide, comme la législation actuelle lui en donne déjà le droit, d'arrêter tout traitement, et que cette décision "engage son pronostic vital à court terme".
Elle sera en outre autorisée "lorsque le patient ne peut pas exprimer sa volonté", et que les médecins refusent une "obstination déraisonnable" à le maintenir artificiellement en vie, et interrompent donc le traitement.
Peu d'amendements au texte
Une poignée de députés UMP, membres de la conservatrice Entente parlementaire pour la famille ont combattu cet article qui, selon Marc Le Fur (UMP), peut "provoquer une sorte de mort volontaire". Ils ont déposé en vain une série d'amendements visant d'abord à supprimer cet article, puis à introduire une série de dispositions en limitant la portée, comme une clause de conscience permettant aux médecins de refuser cet acte.
Jean Leonetti, comme le co-auteur du texte Alain Claeys (PS), de même que la ministre des Affaires sociales Marisol Touraine, se sont opposés à ces amendements, comme ils s'étaient opposés dans l'après-midi à des amendements, venant d'une partie de la gauche, autorisant "une assistance médicalisée à mourir".
Un des rares amendements UMP adoptés prévoit que "les étudiants en médecine, les médecins, les infirmiers, les aides-soignants et les aides à domicile ont droit à une formation aux soins palliatifs".
Un autre amendement voté, sur proposition des socialistes, fait obligation aux hôpitaux et autres établissements de tenir un registre, en respectant l'anonymat des intéressés, des cas de sédations jusqu'au décès.
L'Assemblée a également voté une autre disposition de la proposition de loi, affirmant plus nettement que dans la législation actuelle, "toute personne a le droit de refuser [un traitement]", et précisant que "le suivi du malade reste cependant assuré par le médecin, notamment son accompagnement palliatif".
Des directives anticipées contraignantes
Les directives anticipées (voir encadré) existaient déjà dans la loi Leonetti de 2005, mais n'étaient valables que trois ans et pouvaient ne pas être suivies par le médecin. Le nouveau texte prévoit qu'elles s'imposeront au médecin "sauf en cas d'urgence vitale pendant le temps nécessaire à une évaluation complète de la situation", et qu'elles seront sans limite de validité mais révisables et révocables à tout moment.
La version initiale de la proposition de loi prévoyait que leur existence serait signalée sur la carte Vitale, mais l'Assemblée a remplacé cette disposition par un amendement du gouvernement prévoyant que "les directives anticipées sont notamment conservées sur un registre national faisant l'objet d'un traitement automatisé".
Alors qu'elles étaient jusqu'à présent rédigées sur papier libre, un modèle officiel va voir le jour, pour éviter les imprécisions compliquant la tâche des médecins.
Opposé au caractère contraignant des directives, le député UMP Xavier Breton s'est élevé contre "une sacralisation de la volonté individuelle qui ferait des médecins de simples prestataires de service".
"Ce nouveau droit ne se fait pas contre le médecin", a répondu Alain Claeys (PS), co-auteur de la proposition de loi avec Jean Leonetti (UMP).
Les députés ont aussi adopté les dispositions de la proposition de loi donnant un rôle accru à une personne de confiance, désignée pour exprimer la volonté du patient s'il ne peut plus s'exprimer.
L'Assemblée a enfin voté un amendement socialiste prévoyant que le gouvernement remettra chaque année au parlement un rapport évaluant les conditions d'application de la loi ainsi que la politique de développement des soins palliatifs.
Les directives anticipées permettent à toute personne majeure et capable de faire connaître ses souhaits relatifs à sa fin de vie et notamment son refus de tout acharnement thérapeutique pour le cas où elle serait un jour hors d'état d'exprimer sa volonté.
Pour en savoir plus sur la loi sur la fin de vie
- Nouvelles propositions pour encadrer la fin de vie, article du 21 janvier 2015.
- Précarité : les Français inégaux devant la fin de vie, article du 7 janvier 2015.
- Loi sur la fin de vie : ce qui va changer, article du 10 décembre 2014.
- Fin de vie : qui décide ?, article du 12 dévrier 2014.
- Accompagnement de la fin de vie : que prévoit déjà la loi ?, article du 16 décembre 2013.