Urgences : faute de médecins, plusieurs Smur seront fermés cet été
L'alerte vient de Lens mais la crise des services mobiles d'urgences touche l'ensemble du territoire au risque de mettre en danger les patients. L'Association des médecins urgentistes de France encourage les victimes éventuelles à porter plainte.
"La situation est gravissime et dangereuse (...) le premier service d'urgences du département n'aura pas du tout de Smur pendant dix jours cet été", a déploré auprès de l'AFP Patrice Ramillon. Le secrétaire adjoint de FO au centre hospitalier de Lens (Pas-de-Calais) réagit à l'annonce du fonctionnement dégradé du service mobile d'urgence et de réanimation (Smur) de l'hôpital de Lens (Pas-de-Calais) cet été. Il restera fermé certains jours ou nuits en raison d'une grave pénurie de médecins urgentistes, a-t-on appris mardi de sources concordantes.
Éprouvés depuis des mois par la saturation chronique du service, et le manque de moyens, 11 des 18 médecins urgentistes du centre hospitalier ont présenté leur démission depuis l'hiver dernier et seront partis d'ici la fin août.
"Pour faire face" à cette "hémorragie de médecins", le service des urgences et du Smur - qui fonctionne avec des équipes communes - "est contraint de se réorganiser", avec l'aide d'une "mission d'appui" désignée par l'Agence régionale de Santé (ARS), a expliqué la direction dans un communiqué transmis mardi à l'AFP.
Planning à trous
Ainsi, afin de permettre aux urgences de fonctionner, l'une des deux équipes de Smur, celle de jour, a "cessé son activité temporairement à partir du 1er juillet". La deuxième équipe de Smur, fonctionnant normalement 24 heures sur 24, "est toujours opérationnelle mais verra quelques plages non pourvues durant l’été", indique dans ce texte le docteur Alain-Eric Dubart, chef du pôle urgences au sein du groupement hospitalier (GHT) de l'Artois, qui comprend les hôpitaux de Lens, Béthune Beuvry, La Bassée et Hénin-Beaumont.
Les plannings d'été du Smur comptent actuellement une "dizaine" de trous : "trois nuits non couvertes dont deux samedis en juillet, et sept plages en août, dont cinq nuits de week-end", détaille M. Dubart, assurant qu'une "solidarité intra-GHT (...) et une aide régionale" sont mises en place "afin de médicaliser ces plages vacantes".
Une "procédure dégradée" est aussi mise en place en lien avec le Samu du Pas-de-Calais: "en cas de besoin" sur le Lensois, le centre 15 (Samu) fera intervenir "le Smur disponible le plus proche du lieu d'intervention".
"Aucune soupape de sécurité"
Pendant cette période, "nous n'aurons aucune soupape de sécurité en cas d'imprévu, comme l'absence d'un médecin", a déploré auprès de l'AFP Patrice Ramillon, secrétaire adjoint de FO au centre hospitalier.
"Le reste du territoire va devoir suppléer à cette carence (...) et cela entraînera des retards considérables de prise en charge pour les patients", a-t-il regretté. Situé à une quinzaine de kilomètres de l'hôpital de Béthune et à une vingtaine de celui d'Arras, l'hôpital de Lens couvre un bassin de vie comptant 350.000 habitants, et voit passer plus de 60.000 adultes par an aux urgences.
"Le smur, c’est sacré"
Le Dr Christophe Prudhomme, médecin urgentiste, porte-parole de l'Association des médecins urgentistes de France (AMUF) dénonce, excédé un "scandale de la part des autorités sanitaires". "Il y a deux activités pour lesquelles les urgentistes sont indispensables : les Smur et les salles d’accueil des urgences vitales. Pour les autres activités, n’importe quel médecin peut être affecté. C’est un scandale que les ARS laissent fermer les Smur. Ils sont prioritaires et on ne doit pas y toucher."
La situation à Lens, à en croire le Dr Prudhomme est commune à beaucoup d'autres endroits en France. "Il y a plusieurs dizaines d’endroits où on supprime ponctuellement des équipes de Smur parce qu’il n’y a pas de médecin."
"Nous menons en ce moment une bataille à Lons-le-Saunier où l’ARS veut fermer une des deux équipes de Smur pour faire des économies."
La règle en terme de sécurité sanitaire veut qu'aucun citoyen français ne doive attendre plus de 30 minutes l’arrivée d’un Smur. "Or, les zones blanches se multiplient. Aujourd’hui, on a un maillage territorial des SMUR qui n’est pas suffisant", insiste le médecin.
"Portez plainte"
Devant une situation qu’il estime révoltante et injuste, le médecin urgentiste invite les patients à faire valoir leurs droits devant la justice. "Si le Smur est fermé et qu’il y a une perte de chance par défaut de moyen, qui peut se traduire par la mort d’un patient, il faudra que les patients portent plainte et que les personnes qui ont pris la décision de fermer le Smur soit condamnées. Ad nominem."