Virus, vaccin... comment expliquer la flambée de Guillain-Barré au Pérou ?
L'état d'urgence a été déclaré au Pérou durant 90 jours par le gouvernement devant l'augmentation du nombre de cas de syndrome de Guillain-Barré. Mais comment expliquer cette flambée ?
"Le syndrome de Guillain-Barré apparaît chaque année et il y a eu une augmentation significative ces dernières semaines qui nous oblige à prendre des mesures en tant qu'État pour protéger la santé et la vie de la population", a déclaré le ministre de la Santé, César Vásquez sur le site du Centre national d'épidémiologie, de prévention et de contrôle des maladies du Pérou.
En effet, 182 cas de Guillain-Barré ont été déclarés, dont quatre décès, depuis le début de l'année 2023. Soit une augmentation supérieure à celle observée les années précédentes, et plus marquée dans certaines régions.
Le syndrome de Guillain-Barré, une paralysie progressive
Le syndrome de Guillain-Barré est une maladie auto-immune, caractérisée par le retournement du système immunitaire contre le corps. Elle entraîne des fourmillements et des faiblesses musculaires touchant d'abord les jambes, puis remontant sur le haut du corps. Le principal risque est l'atteinte des muscles respiratoires : dans 5 à 10% des cas, elle nécessite l'aide d'un respirateur.
La paralysie régresse habituellement au bout de trois à quatre semaines. Mais 5% des personnes touchées décèdent et 10% gardent des séquelles motrices.
Comment le Pérou espère endiguer cette flambée ?
En réponse à l'augmentation observée, le Centre d'épidémiologie, de prévention et de contrôle des maladies du Pérou, "intensifie la surveillance épidémiologique du syndrome, sa prévention et la réponse dans les établissements de santé publics et privés".
Le syndrome de Guillain-Barré nécessite une prise en charge rapide, afin de limiter les séquelles. Un médicament à base d'immunoglobulines en intraveineuse peut être administré.
En cas d'échec, la plasmaphérèse peut être effectuée. Elle consiste à remplacer le plasma du patient (la "partie liquide" du sang), par un plasma sain.
La dengue en cause au Pérou ?
Deux-tiers des patients souffrent d'un Guillain-Barré dans les trois à cinq jours suivant une infection bénigne (comme une mononucléose, le virus de l'herpès ou plus rarement un Covid-19).
"Le syndrome de Guillain-barré est une maladie qui a beaucoup de facteurs déclenchants. Le lien est établi scientifiquement entre les arboviroses, transmises par certains moustiques, comme le Zika, la dengue, le chikungunya" rappelle le Dr Benjamin Davido, infectiologue.
Or le Pérou, comme d'autres pays d'Amérique latine, subit de plein fouet une épidémie de dengue depuis plusieurs mois.
"Il y a des précédents, reprend l'infectiologue. D'abord, en 2016, le Pr
Fontanel avait publié une étude sur les cas de Guillain-Barré lors de
l'épidémie de Zika, qui a touché les deux-tiers de la population en 2013
et 2014, en Polynésie française. Le risque y était multiplié par 20.
Autre exemple à Baïa en 2015 et 2016, une augmentation des
Guillain-Barré a été observée en lien avec trois maladies faisant partie de la famille des arboviroses
(le zika, la dengue, le chikungunya)."
La vaccination peut-elle aussi être en cause ?
Plus rarement, une intervention chirurgicale ou une vaccination peuvent être responsables de ce syndrome. Dans ce dernier cas, le risque reste inferieur à celui observé lors d'une infection et la survenue de cet effet indésirable grave est un évènement jugé très rare.
Lors de la campagne de vaccination contre le Covid-19, l'Organisation mondiale de la santé avait communiqué en 2022 sur certains risques associés. Le syndrome de Guillain-Barré en faisait partie, avec les vaccins AstraZeneca, Janssen, Gamaleya et CanSino Biologics, avec une fréquence de l'ordre d'une personne sur 100 000. Comme lors d'une infection, le vaccin entraîne une stimulation du système immunitaire, qui participerait à l'apparition du syndrome.
Toutefois, certaines publications mettent en avant que la phase de développement de la
paralysie est beaucoup plus courte et régresse plus rapidement. Autrement dit, la flambée actuelle de Guillain-Barré au Pérou survient trop de temps après les campagnes de vaccination anti-Covid pour qu'on puisse faire un lien entre ces deux évènements.
Faut-il craindre une telle flambée en France ?
En France, environ 1 700 personnes sont concernées chaque année par le syndrome de Guillain-Barré, toutes causes confondues.
Jusqu'à récemment, "la dengue et le Zika étaient considérés comme des maladie
des pays en voie de développement" note le Dr Davido. "Mais avec le changement climatique, les pays
européens vont se retrouver avec une augmentation de ces maladies infectieuses
émergentes et potentiellement les Guillain-Barré, met-il aussi en garde.
Les chiffres sur les cas de dengue en France métropolitaine commencent déjà à illustrer ce constat : 378 cas importés et 66 cas autochtones (n'ayant pas voyagé dans des zones à risque) en 2022. Alors que seulement 48 cas autochtones avaient été observés la décennie précédente, entre 2010 et 2021, d'après un nouveau rapport de Santé publique France.
L'autorité sanitaire s'inquiète d'ailleurs de la viabilité du dispositif de surveillance actuel, le moustique tigre ne cessant de s'étendre sur le territoire français.