François Hollande : plafonnement des dépassements d'honoraires
La santé reste un thème peu abordé dans les programmes des candidats à l'élection présidentielle. Pourtant elle reste un des principaux sujets de préoccupation des Français. Nous avons posé sept questions, identiques, aux six candidats en tête des sondages. Avenir de l'hôpital, remboursement des médicaments, dépendance, inégalité des soins, bulletin de santé du président de la République... Des questions qui apparaissent rarement dans les meetings et les interviews.
Sept questions à François Hollande
Sept questions à François Hollande, candidat du Parti Socialiste :
- Comment allez-vous ? Comment faites-vous pour garder la forme pendant cette campagne présidentielle ?
François Hollande : "Très bien : le contact, et les échanges avec les Français sont une source d'énergie au quotidien."
- Quelle sera votre première réforme santé si vous êtes élu ?
François Hollande : "Ma première mesure sera d'engager le plafonnement des dépassements d'honoraires. Notre système de santé est fondé sur un principe de solidarité : chacun doit pouvoir se soigner, quelles que soient ses ressources. Or, accéder aux soins devient de plus en plus difficile et pas seulement pour les plus défavorisés. Aujourd’hui, près d’un Français sur trois renonce à des soins, faute de moyens. Ma priorité sera donc d’améliorer cet accès aux soins en luttant contre les dépassements d’honoraires. J’engagerai des négociations avec les médecins afin de trouver, très vite, les moyens de limiter ces dépassements, avant de recourir à la loi le cas échéant.
"L’autre mesure à prendre d’urgence, c’est la mise en place du tiers payant chez les médecins généralistes. Je ne veux pas que les Français renoncent à des soins parce que les fins de mois sont difficiles et qu’ils ne peuvent pas avancer le prix d’une consultation."
- Reviendrez-vous sur la tarification à l’activité à l'hôpital ?
François Hollande : "Le modèle actuel de tarification à l’activité atteint ses limites et comporte des effets pervers.
"Je veux changer cette logique pour que le mode de financement soit adapté aux exigences du service public. La tarification à l'activité en restera un des éléments, mais sera complétée notamment par une meilleure prise en compte des missions d'intérêt social ou général des établissements, ainsi que par des critères liés à la structure de cet établissement, sa localisation... Je reviendrai également sur le principe de convergence tarifaire du public avec le secteur privé. L’hôpital est un service public et pas une entreprise. Son financement doit en tenir compte."
- Les affections longue durée (ALD) concernent 15 % des assurés et représentent 60 % des remboursements, et ces chiffres sont en constante augmentation. Comptez-vous supprimer la prise en charge à 100 % d’autres maladies chroniques, comme cela a été fait en juin 2011 pour l’hypertension artérielle ?
François Hollande : "La suppression de l’hypertension artérielle de la liste des ALD me semble aussi choquante socialement que dangereuse pour la santé publique. Si les Français me font confiance, je prends l’engagement de réexaminer cette décision. S’agissant des autres maladies chroniques, il n’y a aucune raison de les retirer de la liste des ALD."
- En 2040, on estime que 3 Français sur 100 souffriront d’une maladie cérébrale dégénérative, type Alzheimer. Comment comptez-vous prendre en charge leur dépendance ?
François Hollande : "Rappelons tout d’abord que le vieillissement ne conduit pas systématiquement à la perte d’autonomie ou à la maladie : sur 15,5 millions de personnes de 60 ans et plus en France, 1,2 million sont concernées par la perte d’autonomie et perçoivent l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Pour les personnes qui sont confrontées à une situation de dépendance et notamment à une maladie cérébrale dégénérative, je prends trois engagements concrets. La demande des Français est de pouvoir rester chez eux le plus longtemps possible. Pour cela, si je suis élu, nous financerons les travaux d’adaptation de 80 000 logements supplémentaires par an et nous relèverons le plafond de l’allocation personnalisée d’autonomie à domicile pour les personnes les moins autonomes. Ensuite, il y a de fortes attentes de la part des aidants familiaux et nous ne devons pas oublier que c’est souvent grâce à eux que le maintien à domicile est possible pour les personnes dépendantes ou atteintes de troubles de l’orientation comme la maladie d’Alzheimer. Je développerai pour eux des actions de formation et des structures leur permettant d’avoir des temps de répit.
"Pour adapter notre société à plus long terme et pour agir au-delà de la seule prise en charge, je souhaite que nous adoptions une loi d’adaptation de la société au vieillissement de la population : les transports, l’urbanisme sont autant de secteurs qui doivent intégrer l’impact du vieillissement de la population."
- Quelles mesures comptez-vous prendre pour pallier l’inégalité d’accès aux soins et enrayer la multiplication des déserts médicaux ?
François Hollande : "Pour lutter contre les déserts médicaux, il faut d’abord, dès la formation, inciter les étudiants à aller là où l'on a le plus besoin d’eux, notamment en développant les lieux de stage dans les zones prioritaires. Il faut par ailleurs que les conditions d’exercice répondent aux attentes des professionnels de santé et aux exigences d’une médecine de premier recours modernisée. Cela passe par la présence dans chaque territoire d'un pôle de santé de proximité, peu importe leur forme : maison de santé, centre de santé, hôpital local. Si je suis élu, je limiterai aussi les conventionnements de secteur 2 dans les zones surdotées pour mieux répartir les professionnels de santé dans tous les territoires. Et je mettrai en œuvre un "plan d’urgence pour l’installation des jeunes médecins" qui, bien au-delà des incitations financières, visera à les aider dans la construction des projets médicaux, à les accompagner dans les démarches administratives et à contractualiser les carrières et les parcours professionnels."
- Si vous êtes élu, publierez-vous un bulletin de santé régulièrement ? Quel médecin le rédigera ? Quelles informations comprendra ce bulletin de santé ?
François Hollande : "Si les Français me choisissent pour être leur prochain président de la République, il me semblera naturel de donner les informations utiles sur mon état de santé. Je peux d’ores et déjà vous dire que pour financer ma campagne électorale, j’ai été amené à souscrire un prêt auprès d’une banque. Et j’ai passé une visite médicale très complète pour fournir toute garantie."
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Son programme santé
Seules trois mesures sur soixante concernent la santé dans son programme officiel, mais de nombreuses annonces ont été faites par la suite, au cours de ses visites de campagne. Revue des principaux thèmes abordés.
L'égalité de l'accès aux soins
François Hollande a indiqué qu'il souhaitait généraliser le tiers payant pour favoriser l'accès aux soins, pour que "les patients puissent être dispensés de l'avance des frais médicaux. L'accès aux soins s'est dégradée ces dernières années, à cause des remboursements, des franchises médicales, de la taxation des mutuelles et il y a certaines personnes comme les personnes âgées et les jeunes qui renoncent à se soigner", a-t-il dit.
Il a aussi annoncé la suppression du droit d'entrée dans l'Aide Médicale d'Etat (AME), introduit en 2011.
François Hollande a évoqué les dépassements d'honoraires : "Il faut donner un coup d'arrêt à cette tendance, en encadrant les dépassements par région et par spécialité".
Interrogé au cours de l'émission "Des paroles et des actes" sur France 2 sur les dépenses sociales qu'il pourrait réduire, François Hollande a indiqué qu'il n'entendait pas revenir sur "le mécanisme de remboursement" des médicaments. En revanche, il veut agir sur le prix des médicaments. "Il y a un prix du médicament qui est trop élevé et il y a des dépenses de médicaments trop importantes. Sur les médicaments, nous réduirons les prix et les dépenses", a-t-il insisté.
Déserts médicaux
Le candidat socialiste a proposé un système de santé permettant à chacun d'être à moins de 30 minutes d'un lieu de soin, dès 2015. Par "centre de soin", le candidat entend tout lieu permettant une prise en charge d'urgence, soit une maison de santé avec des libéraux, un centre de santé avec des salariés ou une structure adossée à un petit hôpital.
"Je favoriserai des stages obligatoires des jeunes médecins dans les quartiers où il y a des déserts médicaux", a-t-il également annoncé.
L'hôpital
Lors de la Journée de la femme, le candidat socialiste a souhaité que tous les établissements hospitaliers soient dotés d'un centre d'interruption volontaire de grossesse (IVG). "L'IVG est un acte lourd (...) je souhaite que tous les établissements hospitaliers publics de notre pays puissent être dotés d'un centre IVG", a-t-il déclaré, rappelant qu'il voulait que l'IVG soit remboursé à 100 %.
Il annonce aussi une réforme du financement des hôpitaux publics pour "mettre fin à l'assimilation de l'hôpital avec les établissements privés".
Euthanasie et soins palliatifs
"Nous constatons que la loi dite Leonetti de 2005 permet le laisser mourir. Aujourd'hui, il s'agit de permettre d'aider à mourir. La frontière est certes ténue, et les modalités seront à discuter avec tous les acteurs. Il s'agit de fixer un cadre très strict de recueillement du consentement de la personne", selon Marisol Touraine, secrétaire nationale du PS à la Solidarité et la Protection sociale.
François Hollande a précisé sa position et annoncé qu'il faudrait "une procédure", avec l'accord du patient en fin de vie atteinte d'une maladie incurable, de sa famille et l'avis de quatre médecins, pour "encadrer" cette pratique.
Il veillera aussi à ce qu'il y ait "beaucoup plus de places en soins palliatifs dans les établissements". "Je ne prends pas le mot d'euthanasie, ça laisse penser qu'il serait accepté une forme de suicide, mais c'est un sujet très important qui intéresse toutes les familles", a expliqué M. Hollande dans l'émission "Des paroles et des actes".
"Il y a une loi utile, qui est la loi Leonetti (sur les soins palliatifs) mais il y a un manque considérable, il y a très peu de demandes", a-t-il regretté. "J'ai vécu cette situation, il faut davantage de soins palliatifs, aussi bien à l'hôpital qu'à domicile", a poursuivi le candidat socialiste. "Il ne s'agit pas de dépénaliser, mais d'encadrer cette mort dans la dignité", a conclu le candidat du PS.
Santé des étudiants
Le candidat PS a pointé l'absence de couverture complémentaire santé chez de nombreux étudiants. Il s'est prononcé en faveur d'une "concertation pour l'extension du chèque santé expérimenté par certaines collectivités territoriales".
François Hollande s'est engagé aussi à garantir "les droits collectifs" des patients, avec par exemple "le droit aux actions collectives en justice" et la participations des associations au conseil d'administration des établissements de santé.
Cellules souches
Le socialiste François Hollande veut autoriser, s'il est élu, la recherche sur les cellules souches embryonnaires, soumise aujourd'hui en France à un régime d'interdiction assorti de dérogations, compromis singulier qui manque de lisibilité pour les investisseurs. "Certes des limites sont nécessaires et ces recherches devront être encadrées et soumises à des autorisations préalables délivrées par l'Agence de la biomédecine de manière à éviter toute marchandisation du corps humain", a t-il précisé.
"En autorisant ce type de recherches, a-t-il déclaré, nous rattraperons notre retard sur d'autres pays" et "nous favoriserons le retour des post-doctorants partis à l'étranger".
En savoir plus : le projet de François Hollande
Le programme santé des autres candidats :