OGM : l'étude choc vue par le père de la transgénèse
L'étude de Gilles-Eric Séralini, mettant en causse la haute toxicité d'un OGM sur les rats, se propage comme une onde de choc. Cette étude qui présente les OGM comme de véritables poisons va-t-elle tout changer ? Trois questions à Louis-Marie Houdebine, chercheur à l'INRA et père de la transgénèse.
- Les résultats de cette étude sont accablants. Qu'en pensez-vous ?
L.-M. Houdebine : "Il faut regarder en détails s'il n'y a pas de biais dans le processus expérimental. C'est quand même un résultat un peu étonnant parce que cela fait 5 000 ans que l'on mange du maïs, que l'on a fait des brassages de gènes par des sélections et autres, sans que l'on constate jamais de problèmes de toxicité.
"Pour arriver à des tumeurs de cette fréquence et de cette importance en deux ans, il faut qu'il y ait une substance cancérigène extrêmement vigoureuse. Je ne sais pas d'où elle vient... Il y aussi quelque chose qui est assez embêtant, c'est que le groupe qui a fait cette étude a déjà dit plusieurs fois que les OGM étaient toxiques, basés sur des réévaluations de tests faits par les industriels, montrant que les statistiques indiquaient des problèmes.
"Tout cela a été rééxaminé par différentes agences dans le monde, en particulier par l'Agence nationale de sécurité sanitaire, l'Anses, et on n'a pas vu de différence. Donc quel crédit accorder à ce groupe ? Ils se sont trompés plusieurs fois ou ont voulu tromper, je ne sais pas. Ensuite dans la recherche, il faut toujours rester dubitatif. Il faut qu'une expérience soit réalisée plusieurs fois pour qu'elle soit valable."
- Mais si ces résultats étaient avérés, est-ce que cela vous ferait changer d'avis sur la dangerosité des OGM ?
L.-M. Houdebine : "Attendez ! Si c'est vrai, ce sera vrai pour cet OGM, je ne vois pas pourquoi ce serait vrai pour d'autres OGM. Cela n'a rien à voir. Pour d'autres OGM résistants à certains papillons par exemple, ce n'est pas la même transformation génétique. On ne peut pas extrapoler, mais ça voudra sans doute dire qu'il faudra généraliser des études plus longues."
- Donc pour vous, cette étude ne remet pas en cause le fait de modifier génétiquement des organismes ?
L.-M. Houdebine : "Oh non ! Vous savez, d'autres expériences ont été menées sur des temps plus longs : deux ou trois générations sur plusieurs sortes d'animaux et il n'y a jamais eu de problèmes. Donc, ça ne remet pas en cause la production OGM qui est quand même beaucoup plus fine et beaucoup plus gentille que la sélection génétique en aveugle et les mutations qu'on fait avec des agents chimiques."
En savoir plus
- Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses)
"L'Anses va examiner sans délai une nouvelle étude sur la toxicité des OGM", communiqué du 19 septembre.
Vous trouverez également sur le site de l'Anses un dossier complet sur les OGM (informations, avis, rapports d'évaluation).
- Le Nouvel Observateur
- "Oui, les OGM sont des poisons !", par Guillaume Malaurie, 18 septembre 2012.
A lire : l'interview de Gilles-Eric Séralini, ainsi que des extraits de son livre Tous cobayes ! dans Le Nouvel Observateur du 20 septembre 2012.