Alzheimer : des recherches… et des vaccins ?
Plusieurs équipes de chercheurs progressent dans le décryptage des mécanismes de la maladie d’Alzheimer. Elles précisent des pistes diagnostiques et même thérapeutiques pour les années à venir.
Trois études viennent d’être publiées par des équipes américaines, norvégienne et française sur les différents processus impliqués dans la maladie d'Alzheimer et les moyens de les contrer, dans les revues Neurology, PlosOne et Current Alzheimer Research. Une équipe de l'Université du Texas à Dallas ouvre des perspectives sur les stades précoces de la maladie. Leurs collègues New Yorkais ont eux identifié plus précisément le rôle d’une protéine appelée Tau dans l’atteinte des neurones. Quant aux chercheurs français de l’équipe Inserm Alzheimer et Tauopathies au CHRU de Lille, ils ont justement travaillé sur cette protéine et réussi à améliorer les symptômes de souris malades.
Mieux comprendre les premiers stades de la maladie
Le Dr Karen Rodrigue et son équipe du Center for Vital Longevity de l'Université de Dallas pensent avoir trouvé le moyen de réaliser un diagnostic très précoce. "Réaliser une imagerie cérébrale à des patients lorsqu'ils n’ont encore que de très légères insuffisances cognitives pourrait être essentiel dans la détermination de leur risque de développer la maladie", explique ainsi le Dr Denise Park, co-auteur de l’étude publiée dans la revue Neurology.
Ce n'est toutefois pas n'importe quelle imagerie qu'ont passé 137 adultes en bonne santé âgés de 30 à 89 ans pour les besoins de leur étude. Ils ont d'abord reçu un produit capable de rendre visible les dépôts d'une protéine connue pour son rôle dans l'évolution de la maladie d'Alzheimer : la bêta-amyloïde.
Très schématiquement, il était déjà clair qu'un excès de dépôts de cette protéine dans le cerveau était associé à l'aggravation des symptômes. En étudiant sa présence en dehors du strict cercle des patients, ils ont découvert que "chez les sujets dont le cerveau avait des concentrations élevées de dépôts de bêta-amyloïdes, les performances intellectuelles souffraient de certaines carences, même si tous ces individus (…) obtenaient des scores normaux aux tests d’aptitude mentale", résume le Dr Rodrigue. Les toutes premières atteintes se manifestaient au niveau de la rapidité de mémorisation et de raisonnement.
Il est encore trop tôt pour valider le caractère prédictif de pareil examen, étant donné l'existence d'autres processus impliqués dans la maladie. Mais les résultats obtenus ont aussi montré que des patients de plus de 70 et 80 ans n'avaient presque pas de "dépôts dangereux" dans leur cerveau. Cela ouvre au moins des pistes de recherche pour identifier leurs éventuelles protections génétiques… qui pourraient se transformer en solutions thérapeutiques.
L'évolution de la maladie décryptée de neurone en neurone
Une autre Karen, le Dr Karen Duff cette fois, a quant à elle travaillé avec des collègues new yorkais et norvégiens sur une autre protéine dont la transformation et l'accumulation dans le cerveau est parallèle à l'évolution de la maladie d'Alzheimer : la protéine Tau. Ils ont réussi à reproduire le début de ce processus en faisant fabriquer cette protéine anormale à des souris génétiquement modifiées au niveau de la zone du cerveau où commence la maladie. Et après quelques mois "la distribution de Tau dans le cerveau des souris a changé radicalement pour ressembler à celle des cerveaux plus atteints par la maladie d’Alzheimer", écrivent les auteurs dans la revue PlosOne où ils ont publié leur étude.
C'est plus précisément le chemin suivi par la protéine pathologique d'une partie à l'autre du cerveau qui a été mieux identifié. Elle se diffuserait en fait à travers les synapses, exactement comme l'influx nerveux normal, le "messager" du cerveau. Passant ainsi de neurones en neurones, elle s'y accumule ensuite au point d'entraîner leur destruction. D'où l’évolution de la maladie au fil des régions qui sont naturellement connectées entre elles comme les différentes aires responsables du langage par exemple.
"C’est un modèle transgénique plus précis que les précédents, estime le Dr Luc Buée, directeur de l'équipe Inserm Alzheimer et Tauopathies. Il faut juste être un peu prudent dans la mesure où leur modification génétique peut avoir touché des neurones autour de la cible initiale." Pareils travaux contribuent en tout cas à préciser des pistes d'actions pour bloquer la propagation de cette fameuse protéine Tau. Tel est justement l'objectif de l'équipe du Dr Buée qui vient de publier des résultats très prometteurs dans la revue Current Alzheimer Research. Ils ont réussi à créer un "vaccin", un anticorps capable de s'attaquer aux protéines Tau anormales. Cette immunothérapie dite "active" a été réalisée sur des souris dont les neurones souffraient de la même dégénérescence que dans la maladie d’Alzheimer.
Des vaccins pour arrêter la maladie ?
"Nous avons constaté une baisse de la quantité de la protéine tau pathologique corrélée à une amélioration des performances cognitives", conclut l'équipe d'auteurs. En termes plus simples, "nous montrons qu’en vaccinant ainsi ces souris, il est possible d’arrêter le processus de neuro-dégénérescence et prévenir les troubles de la mémoire", traduit le Dr Luc Buée. Mais attention aux espoirs démesurés : les premiers vaccins testés chez l’homme visaient le peptide amyloïde évoqué ci-dessus et ont été lancés dès 2000. Après quelques échecs, ils viennent tout juste d’entrer en phase 3, c’est-à-dire en évaluation réelle de leur efficacité ! Pour l’autre ennemi, il faudra aussi passer par toutes les étapes séparant les recherches sur les souris d’une application à l’homme.
En savoir plus
Sur Allodocteurs.fr :
- Université de Dallas
"Study Links Alzheimer’s Marker to Deficits in Healthy People"
Une étude fait le lien entre un marqueur de la maladie d'Alzheimer et des déficits chez des personnes en bonne santé.
- Inserm
"La maladie d'Alzheimer, une tauopathie comme les autres ?" (document PDF)