Assurance maladie : un système profondément inégalitaire ?
Dans son organisation actuelle, l'Assurance maladie ne garantirait pas un égal accès des Français à l'offre de soins, selon un rapport du Conseil d'Analyse Economique (CAE). Selon ses membres, dans notre pays, "la couverture est large, mais ne protège pas les individus contre le risque de restes à charge très élevés", et "l'accès aux soins implique un coût qui n'est pas proportionné aux moyens financiers" individuels. Le CAE appelle à refonder au plus vite le système actuel, et formule ses propositions.
Selon les membres du Conseil d'analyse économique(1) (CAE), le système français d'Assurance maladie peine aujourd'hui à remplir sa mission, qui est celle d'assurer un accès égal des citoyens à l'offre de soins ("chacun selon ses moyens, chacun selon ses besoins").
Sécu et mutuelles : un système redondant ?
Les auteurs du rapport fondent leur analyse sur un constat simple : deux types d'opérateurs concourent "à la couverture des mêmes soins(2)" : la Sécurité sociale et les organismes complémentaires. Or, poursuivent les économistes, "une telle organisation entraîne des coûts de gestion élevés et favorise la hausse des prix des soins".
Pour ces membres du CAE "mettre fin au système mixte d'assurance" actuel est "impératif" à moyen terme. Quel que soit le scénario envisagé (rapprochement des acteurs, régulation des assurances), les analystes jugent nécessaire que les cotisations deviennent proportionnelles aux revenus, et d'offrir "les mêmes garanties de solidarité entre bien-portants et malades, et entre hauts et bas revenus".
"Sortir de l'organisation actuelle est un objectif difficile à atteindre, car il bouscule le paysage actuel où sont présents des acteurs à l'assise historique importante. Cependant, le coût du statu quo nous semble suffisamment élevé pour inviter le décideur public à s'engager dans cette direction", insistent les économistes.
Pouvoir piloter l'offre de soins
Par ailleurs, selon les chercheurs, les complémentaires santé "n'ont pas les moyens de piloter l'offre de soins" (autrement dit, de pouvoir établir des contrats avec les autres acteurs du parcours de soins). Pour maîtriser leurs dépenses, ces assurances complémentaires n'ont qu'un seul levier d'action : la limitation de certains remboursements. Elles sont encouragées "à la sélection des risques", ce qui produit des inégalités dans l'accès à l'assurance et aux soins".
Effets pervers
La grande variété des contrats d'assurance complémentaire est également pointée du doigt, à deux titres, par le CAE. Celui-ci observe tout d'abord que leur foisonnement "rend l'offre difficilement lisible [pour le grand public]", empêchant le jeu de la concurrence.
Toutefois, selon les auteurs du rapport, le cœur du problème n'est pas là : certaines exonérations sociales - notamment celles dont bénéficient les contrats collectifs - "encouragent des couvertures étendues qui alimentent la progression des dépassements d'honoraires" par les praticiens. Ce qui nuit "à l'accès aux soins des individus moins bien couverts".
Pour contrecarrer les effets pervers du système actuel, les analystes préconisent trois actions à court terme :
- associer les complémentaires à la contractualisation avec les offreurs de soins ;
- définir un contrat homogène que tout organisme d'assurance complémentaire devrait offrir ;
- supprimer les exonérations sociales favorisant les contrats collectifs.
Gratuité des soins à l'hôpital
Ces évolutions permettraient, à terme, de revenir à un système moins inégalitaire.
Les économistes du CAE préconisent "de couvrir à 100 % les soins hospitaliers [des patients], à l'exception d'un forfait journalier ramené à 8 euros" et de "remplacer le ticket modérateur (et les diverses participations financières en place pour les soins ambulatoires) par une franchise". Pour les analystes, "l'ensemble ne doit pas être couvert par les assurances mais doit être plafonné [et doit pouvoir être] modulé ou supprimé pour les personnes à bas revenu."
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(1) Le Conseil d'analyse économique (CAE) est composé de quinze membres (économistes universitaires et chercheurs reconnus), non rémunérés, désignés par le Premier ministre pour un mandat de deux ans. Cette instance, créée en 1997 par Lionel Jospin, a pour mission "d'éclairer, par la confrontation des points de vue et des analyses, les choix du gouvernement en matière économique".
(2) Selon les données du CAE, les frais de gestion sont de 7,2 milliards d'euros pour les organismes relevant de la Sécurité sociale et de 6,2 milliards d'euros pour les organismes complémentaires, "pour traiter deux fois les mêmes feuilles de soins"
En savoir plus :
- Télécharger le rapport du Conseil d'analyse économique : "Refonder l'Assurance maladie" [PDF]