Chikungunya, la maladie du marcheur courbé
Le virus du chikungunya, qui se transmet à l'homme par l'intermédiaire de la salive du "moustique-tigre", occasionne fièvre, très fortes douleurs articulaires, et peut laisser de graves séquelles. Longtemps cantonné à l'Asie du sud-est, le moustique tigre s'est implanté ces dernières années dans l'Île de la Réunion, la Martinique et dans le sud de la France métropolitaine. Quels sont les signes de la maladie ? Comment se protéger des moustiques efficacement ? Quelles sont les conséquences à long terme de l'exposition au virus ?
Qu'est-ce que le chikungunya ?
Le virus du chikungunya se transmet à l'homme par l'intermédiaire de la salive de deux espèces de moustiques, Aedes albopictus et Aedes aegypti.
Au moment de la piqûre, ce virus passe dans le sang de l'homme.
Les premiers symptômes du chikungunya apparaissent environ quatre à sept jours après la piqûre. Ils sont proches de ceux d'une forte grippe : une fièvre supérieure à 38 degrés, d'intenses douleurs articulaires et musculaires, maux de têtes, éruptions cutanées, voire des manifestations hémorragiques (chez l'enfant).
Les personnes atteintes adoptent alors une attitude courbée typique (d'où l'origine du nom de la maladie : en makondé, l'une des langues parlée en Tanzanie, chikungunya signifie "qui est courbé").
En attendant d'avoir pu consulter un médecin, les autorités sanitaires conseillent de maintenir une bonne hydratation, voire de prendre un médicament bien connu pour soulager les douleurs et la fièvre, tel que du paracétamol, en respectant les doses et les conseils d'utilisation indiqués dans la notice. Il ne faut entreprendre aucun autre traitement sans en parler préalablement à son médecin ou à son pharmacien.
Un virus (mal) connu depuis plus de 60 ans
Depuis l'identification du virus en 1952 (voir encadré), de nombreuses épidémies ont eu lieu en Afrique sub-saharienne, dans le sous-continent indien et dans plusieurs îles du Pacifique.
Pour autant, le virus était encore mal connu quand il est apparu sur l'île de la Réunion en mars 2005. Lorsque l'épidémie a débuté, la maladie était considérée comme bénigne mais rapidement, des cas graves sont apparus, particulièrement chez les personnes âgées ou ayant une pathologie préexistante. Des cas de transmission de la mère au fœtus ont aussi été recensés. Directement ou indirectement, le virus du chikungunya a causé la mort de plus de 200 personnes sur l'île au cours de cette épidémie. Le moustique-tigre se développant principalement sous un climat chaud et humide, l'arrivée de l'hiver austral 2006 a coïncidé avec une baisse progressive de l'intensité de l'épidémie sur l'île de La Réunion.
Le virus a été identifié pour la première fois en 1952 sur le plateau makondé, au Tanganika (dont le territoire représente l'essentiel de la superficie de l'actuelle Tanzanie).
Des douleurs articulaires chroniques
Habituellement, la maladie évolue favorablement, et les symptômes disparaissent en quelques semaines. Cependant chez certains patients, la fatigue et les douleurs articulaires perdurent pendant plusieurs mois, voire plusieurs années (formes chroniques de la maladie). Quelques cas de formes graves (atteintes cardiaques, hépatiques ou neurologiques) ont également été signalés.
Selon le CHU de Martinique, un mois après avoir contracté le chikungunya, 70% des patients ressentent encore des douleurs. Deux ans après avoir contracté le virus, une personne sur deux souffrirait toujours de séquelles physiques de la maladie.
Aucun médicament ne soigne aujourd'hui la forme chronique du chikungunya. Les recherches se poursuivent donc pour traiter efficacement les symptômes de la maladie. Ce traitement symptomatique repose notamment sur la prise d'antalgiques (comme le paracétamol), d'anti-inflammatoires non stéroïdiens et le repos. La prise d'aspirine (qui fluidifie le sang) est à éviter.
Parallèlement aux recherches sur les soins apportés aux malades, des virologues s'intéressent aussi aux causes de ces douleurs et tentent de comprendre le devenir du virus du chikungunya dans l'organisme. Un vaccin est actuellement à l'étude.
En Martinique, une cellule a été mise en place pour traiter les douleurs persistantes des très nombreux patients souffrant des douleurs chroniques liées à la maladie.
Chikungunya : quelle prévention ?
La meilleure défense, c'est l'attaque : les autorités invitent les citoyens à détruire le "gite larvaire" de l'insecte, c'est-à-dire d'éliminer toute source d'eaux stagnantes où les moustiques aiment à pondre leurs oeufs.
Il convient donc de supprimer les soucoupes de pots de fleurs, remplacer l'eau des vases par du sable humide, ou encore de vérifier le bon écoulement des gouttières, regards et des caniveaux.
Des jouets d'enfants laissés dans le jardin, verres ou récipients abandonnés, peuvent également constituer des gîtes larvaires. Pour éliminer la menace, il suffit de les vider : n'étant plus au contact de l'eau, les larves mourront presque instantanément.
Les récipients impossibles à vider, tels que les collecteurs d'eau de pluie ou les bassins, peuvent être recouverts hermétiquement avec de la toile moustiquaire.
La prévention passe en outre par l'utilisation de moyens de protection physique : vêtements longs qui peuvent être imprégnés d'insecticides, chaussures fermées, moustiquaires...
L'Agence française pour la sécurité sanitaire des produits de santé ont établi une liste de répulsifs à utiliser pour se protéger des moustiques. Trois substances actives sont en particulier recommandées. Il s'agit du Citriodiol, de l'IR 3535 et du DEET (les concentrations préconisées sont adaptées à l'âge de la personne à protéger).
A l'intérieur de l'habitat, l'utilisation de diffuseurs d'insecticides électriques est également indiquée et les couchages peuvent être équipés de moustiquaire, en particulier pour les lits des enfants. En revanche, si la ventilation et la climatisation font fuir les moustiques qui craignent les endroits frais, cette mesure est insuffisante pour assurer à elle seule une protection efficace.
Attention aux charlatans !
L'ARS de Martinique rappelle qu'il n'existe pas de vaccin actuellement commercialisé contre le Chikungunya. Il n'existe à ce jour en autre aucun traitement préventif de la maladie ayant démontré la moindre efficacité (spécialités à base de plantes, "traitements" homéopathiques, chlorure de magnésium, sont totalement inefficaces).
"Non seulement les substances à base de plantes ou d'autres produits, dont il a pu être question, n'ont aucune efficacité démontrée sur la maladie", souligne l'ARS, mais l'utilisation de certains d'entre eux "peut entraîner des complications sévères, voire mortelles, en particulier chez des personnes fragilisées. Par exemple, plusieurs cas d'hépatites sévères ont été diagnostiqués à la Réunion ou à Mayotte chez des patients atteints de chikungunya. Il a été retrouvé dans la plupart des cas une prise de "traitements" traditionnels à base de plantes, notamment de jus de Noni [dont la toxicité hépatique est avérée]."
"La prise inconsidérée de telles substances entraîne fréquemment des troubles (par exempledes diarrhées avec le chlorure de magnésium) qui vont à l'encontre du soulagement recherché en cas d'infection par le virus chikungunya".
Si vous reconnaissez un moustique tigre dans votre environnement, vous pouvez le signaler sur le site Internet Vigilance-moustiques.com. Ce site officiel, ouvert à la demande du ministère de la Santé, permet également de s'informer sur cet insecte.
Le sud de la France menacé par le chikungunya
En 2007, une personne infectée par le virus du chikungunya au cours d'un voyage s'était fait de nouveau piquer par un moustique-tigre en Italie (Ravenne). Il s'en était suvii la contamination de 240 personnes en deux mois. Peu de temps après, le moustique-tigre franchissait la frontière pour s'installer dans les Alpes-Maritimes.
Un arrêté ministériel, publié début avril 2010 au Journal officiel, qualifie les Alpes-Maritimes, le Var et les Bouches-du-Rhône de "départements où les moustiques constituent un danger pour la santé des populations".
Pour empêcher qu'une épidémie ne se produise en Provence, un plan de lutte contre le moustique-tigre a été mis en place en 2010.
Il comporte une surveillance entomologique, assurée par l'Entente interdépartementale pour la Démoustication (EID) du littoral méditerranéen, et épidémiologique, encadrée par l'agence régionale de la Santé.
Les autorités sanitaires surveillent particulièrement les zones de stockage de pneus usagés et appellent les citoyens à éliminer toute source d'eaux stagnantes.
En savoir plus sur le chikungunya
- Les chercheurs se mobilisent contre le chikungunya, reportage du 17 juillet 2014.
- Chikungunya : une prise en charge à 100% des médicaments, article du 17 juillet 2014.
- Chikungunya, la bête noire des Antilles, article du 10 février 2014.
Ailleurs sur le web :
- Institut Pasteur
Fiche descriptive de la maladie.