Des livres au pied du sapin : les coups de coeur de la rédaction
À quelques jours de Noël, vous cherchez encore des idées cadeaux ? Cette perspective vous angoisse, et votre tension augmente dangereusement ? La rédaction d'Allodocteurs.fr vous propose une petite sélection de livres à glisser en toute confiance au pied de tous les sapins. Romans, beaux livres, manuels... Il y en a pour toutes les hottes !
Journal d'un corps
Journal d'un corps, de Daniel Pennac, illustré par Manu Larcenet (éd. Futuropolis)
Un homme offre en héritage à sa fille, Lison, une série de carnets. De 12 à 87 ans, cet homme a tenu le journal de son corps, compagnon de tous les jours. "Je veux écrire le journal de mon corps parce que tout le monde parle d'autre chose". Entrecoupé de notes à Lison, le narrateur nous entraîne dans un voyage intime et charnel. Universel, car profondément humain.
"Mes acouphènes, mes aigreurs, mon angoisse, mon épistaxis, mes insomnies... Mes propriétés, en somme. Que nous sommes quelques millions à partager." Car c'est de cela qu'il est question, de ce corps à la fois si vulnérable et si fort, notre première maison, que nous avons si souvent tendance à négliger, voire à nier, tout au long de notre existence ; que nous connaissons mieux que quiconque et qui pourtant nous déconcerte jusqu'à la mort.
Le personnage passe au crible de ses émotions et de ses sensations, les étapes de sa vie d'homme, les événements qui le touchent, les changements physiques, les expériences sensuelles, sexuelles, sentimentales, les plaies de l'âme, les maux du corps,… C'est la chronique d'une vie où chaque parcelle de senti et de ressenti est prise sur le vif.
Dans ce récit qui questionne le rapport au corps, Daniel Pennac relève le défi haut la plume. Il en sort un grand livre, sincère, sans tabou ni fausse pudeur, espiègle et grave, souvent drôle, poétique et tendrement ironique. Et quand il est accompagné en dessin par Manu Larcenet, il en devient poignant. Une belle façon de se sentir bien vivant.
Sophie R.
Middlesex
Middlesex, de Jeffrey Eugenides (éd. Seuil)
A la fois roman d'apprentissage et saga familiale, Middlesex est une oeuvre hors norme qui raconte à travers la jeune Calioppe la vie d'une famille grecque fuyant la guerre gréco-turque de 1922 et émigrant aux Etats-Unis, terre promise où tout est encore possible. Et c'est justement Calioppe qui fait sortir le roman des normes puisqu'elle est née avec deux sexes : déclarée de sexe féminin à la naissance, elle se découvre hermaphrodite à 15 ans et relate ses combats pour choisir son sexe.
L'épopée familiale nous embarque tour à tour dans la Turquie et la Grèce du siècle dernier, ravagées par la guerre, puis dans la société américaine des années 1920 à 1970. Elle nous fait découvrir le secret qui pèse sur la grand-mère de Cal, personnage rocambolesque qui redoute la malédiction qui punira sa famille d'une union consanguine.
Le roman a surtout la grande force de nous décrire de façon passionnante et poignante ce qui se passe dans la tête et le coeur d'une petite fille qui se découvre différente des autres, de ses angoisses et de questionnements existentiels qui l'agitent à l'adolescence, un âge bouillonnant où la quête de soi et les émois sont bouleversants lorsque la normalité si rassurante fait défaut…
Jeffrey Eugenides, auteur de The Virgin suicides, manie les mots et l'humour avec une grande justesse dans ce texte inclassable qui remporta le prix Pulitzer en 2003.
Charlotte T.
Petit cours d'autodéfense intellectuelle
Petit cours d'autodéfense intellectuelle, de Normand Baillargeon (éd. Lux)
Agacés par les informations idiotes répétées en boucle sur Internet, finalement démenties quinze jours plus tard ?
Décontenancés par les tombereaux de chiffres déversés chaque jour à vos pieds par les médias ? Faites oeuvre utile, et déposez cette année sous le sapin (éventuellement dans un paquet avec une étiquette à votre propre nom) ce classique de l'initiation à l'esprit critique : le Petit cours d'autodéfense intellectuelle de l'excellent Normand Baillargeon, illustré par Charb.
Un ouvrage très malin, preuve brillante qu'un cadeau de Noël peut faire du bien toute l'année à la tête, sans se briser au bout d'une semaine comme le premier machin de massage made in plastique venu…
Et si vos proches ont déjà en leur possession ce précieux livre jaune, n'hésitez pas à leur offrir cet excellent guide pratique sur l'efficacité des thérapies complémentaires. Cela vaudra toujours mieux qu'une boîte de tisane detox !
Florian G.
Mauvais Garçons
Mauvais Garçons, portraits de tatoués, de Jérôme Pierrat et Éric Guillon (éd. La manufacture de livres)
Marins, soldats, bagnards ou voyous, les "mauvais garçons" ont été les premiers à porter des tatouages, des "bousilles" en argot. Ce livre présente plus de 150 photographies d'archives prises par la police et les médecins de prison, entre 1890 et 1930.
On y découvre la peau comme vecteur d'amour, de larmes, d'antimilitarisme ou de revendications sociales. Des hommes presque nus, en noir et blanc, portant les stigmates de leur vie. Plus que de simples décorations, les tatouages de l'époque sont de véritables parcours de vie, parfois gribouillés rapidement sur des coins de peau, à l'arrière d'un bar.
Les auteurs commentent et décryptent les symboliques de chaque dessin, reflet de la vie des marginaux et de la société du début du XXe siècle. Des portraits de femmes, des clowns tristes, des chaînes, des couteaux, des papillons ou des dessins érotiques remplissent leur peau.
On retrouve aussi les symboles émouvants de la vie en prison : un soleil derrière une barrière ou un oiseau pour clamer son envie de liberté... Des portraits humains, beaux et émouvants.
Léa G.
Au revoir là-haut
Au revoir là-haut, de Pierre Lemaitre (éd. Albin Michel)
Si vous n'êtes pas encore saturé par les commémorations de la Guerre de 14-18, précipitez-vous sur ce formidable roman, prix Goncourt 2013.
Au départ, tout oppose Albert Maillard, un modeste employé de banque, et Edouard Péricourt, fils de la haute bourgeoisie, et dessinateur de génie. En 1918, à quelques jours de l'Armistice, en menant une dernière offensive contre l'ennemi, ils échappent miraculeusement à la mort. En sauvant la vie d'Albert, Edouard reçoit un éclat d'obus qui le défigure. Désormais, les destins de cette gueule cassée et de son camarade d'infortune sont liés pour le meilleur et pour le pire.
Revenus à la vie civile, les deux rescapés vont mettre au point une arnaque aux monuments aux morts d'un cynisme absolu pour se venger de cette Patrie qui délaisse ses anciens combattants.
Une formidable fresque historique, qui se lit comme un polar. Un rythme haletant et un auteur qui manie avec talent l'humour noir. Décapant !
Benjamin B.
Syngué Sabour
Syngué Sabour - Pierre de patience, de Atiq Rahimi (éd. Folio)
Un texte fort, où on ressent chaque humiliation, frustration, colère, désir et force d'une femme. L'auteur, Atiq Rahimi a obtenu le prix Goncourt en 2008. En 2013, le roman est adapté pour le cinéma.
Syngué Sabour ou Pierre de patience est un huis clos captivant aux allures de fable. L'histoire se déroule sous les bombes de Kaboul. Dans une pièce quasiment vide de la maison familiale, une femme veille sur le corps de son mari, plongé dans un coma profond.
Dans un long monologue, cette femme lui dévoile ses souvenirs d'enfance, de jeune femme mariée de force par son père, d'épouse qui malgré la peur et la violence de son époux a appris à l'aimer. Les confessions se succèdent au milieu de la guerre et des événements auxquels elle doit faire face pour survivre, mais chaque fois elle revient au chevet de son mari et continue de lui exprimer ses doutes, ses angoisses, ses errances, ses peines, ses désirs les plus intimes, espérant faire sortir l'homme de son coma que rien ne semble perturber. À mesure que cette femme opprimée, s'émancipe et s'abandonne, le récit devient de plus en plus fiévreux, intense et sensuel avec une ultime révélation...
Un très beau livre et un hommage sur la condition des femmes afghanes pour leur patience et leur courage.
Nathalie de la S.