Douleur : l'œil en dit long
Comment évaluer la douleur d'une personne dans l'incapacité de s'exprimer ? Dans un article publié dans la revue Anesthesia & Analgesia, des chercheurs de l'Inserm présentent les premiers résultats concluants d'une méthode basée sur le réflexe de contraction de la pupille.
Il s'agit d'un réflexe du corps humain bien étudié en laboratoire : après une stimulation lumineuse, le diamètre et la contraction de la pupille varie différemment en fonction de paramètres extérieurs, tels que la douleur. Même sous anesthésie générale, la stimulation du système sympathique induira certaines variations de ces deux paramètres.
Hors du cadre contrôlé des laboratoires, cette propriété du corps humain peut-elle être mise à profit pour évaluer la douleur ressentie par des personnes conscientes, mais dans l'incapacité de s'exprimer ? C'est l'hypothèse qu'ont souhaité valider les membres d'une équipe de l'Inserm, conduite par le médecin anesthésiste réanimateur Jean Guglielminotti.
Pour ce faire, les chercheurs ont filmé 26 patientes en phase d'accouchement, avant et pendant anesthésie péridurale, avec ou sans contraction utérine. L'amplitude du réflexe de la pupille après une stimulation lumineuse, de même que le diamètre de la pupille, ont été significativement corrélés avec l'intensité de la douleur ressentie par chaque parturiente. Cependant, la valeur qui permet d'identifier une souffrance varie d'un patient à l'autre. C'est donc l'évolution des paramètres physiologiques au cours du temps qui pourrait permettre de déterminer l'évolution de la douleur.
"Nous cherchions un outil qui puisse être indépendant de l'évaluation subjective réalisée par le patient ou le médecin," nous explique Jean Guglielminotti. "Habituellement, nous demandons aux patients de classer leur douleur sur une échelle de 1 à 10. Dans les cas où nous ne parlons pas la même langue qu'eux, nous cherchons à évaluer cette douleur par leur comportement." Les travaux de son équipe pourraient permettre de mieux accompagner les patients en salle de réveil, ou les individus comateux placés en salle de réanimation.
Les résultats de cette première étude doivent maintenant être validés dans de nombreuses situations, afin de déterminer dans quels cas cliniques une évaluation de la douleur par pupillométrie peut être fiable.
Sources :
- "La douleur se lit dans la pupille", Inserm, 29 mars 2013.
- Assessment of Pain During Labor with Pupillometry: A Prospective Observational Study. Guglielminotti J et al, Anesthesia & Analgesia doi: 10.1213/ANE.0b013e31828a7218