En finir avec les douleurs chroniques
Les douleurs chroniques arrivent doucement, presque sournoisement et s'installent progressivement. Elles provoquent l'épuisement et un sentiment d'impuissance. Mais ces douleurs se transforment aussi en douleur psychique face à l'absence d'explication médicale et une prise en charge tardive.
- Le mécanisme de la douleur
- Douleurs chroniques : la comprendre pour mieux la prendre en charge
- Douleurs chroniques : le recours à la chirurgie
- Stimulation médullaire : un implant pour lutter contre la douleur
- Douleurs chroniques : de nouveaux traitements à l'essai
- Douleurs chroniques post-opératoires et anxiété : y a-t-il un lien ?
- Du sport contre les douleurs chroniques
- Douleurs chroniques : la musique adoucit les douleurs
- En savoir plus
Fourmillements, décharges électriques, brûlures... Normalement, la douleur est un signal d'alarme censé protéger le corps des agressions. Mais quand elle dure plus de trois mois, elle devient une véritable maladie qui nécessite une prise en charge. Les douleurs chroniques, qui concernent un Français sur cinq, ont un retentissement terrible sur la vie des patients.
Le mécanisme de la douleur
Mais d'où vient la douleur ? Des récepteurs spécialisés (les nocicepteurs) vont tout d'abord capter l'information de la douleur. Quand on se blesse avec un couteau par exemple, les informations passent par le nerf et arrivent d'abord à la moelle épinière pour déclencher un réflexe : on retire la main sans même y penser. Puis, le message continue jusqu'au cerveau pour l'alerter. L'information "douleur" remonte jusqu'à certaines zones de la douleur dans le cerveau. Ce dernier, après analyse, perçoit la sensation douloureuse. On décide alors de soigner la blessure, ce qui permettra de diminuer progressivement la sensation douloureuse.
Il arrive que la douleur ne s'arrête pas, même après guérison de la blessure. C'est la douleur chronique. Dans ce cas, la souffrance est due à un dérèglement des circuits de la douleur. Les cellules nerveuses qui ont été lésées émettent spontanément des messages qui déclenchent en permanence une fausse alerte. Lorsque les signaux erronés atteignent le cerveau, la douleur paraît aussi réelle que celle causée lorsqu'on s'est blessé.
En France, la douleur constitue l'un des premiers motifs de consultation. C'est même une priorité de santé pour 54 % des Français. Sa prise en charge demeure pourtant un problème majeur puisqu'en France, 64 % des personnes recevant un traitement, rapportent être modérément soulagées sur le long terme.
Douleurs chroniques : la comprendre pour mieux la prendre en charge
Il est très difficile d'éradiquer totalement les douleurs chroniques. En revanche, il existe de nombreux traitements pour apaiser les crises et l'intensité des symptômes.
Essayer de poser des mots sur ses douleurs, être entendu, pris en charge... c'est ce que proposent les consultations dans les centres anti-douleur. Outre les traitements anti-douleur, de nombreuses activités (relaxation, hypnose, médecine chinoise, art-thérapie…) sont proposées pour combattre les douleurs chroniques qui usent psychologiquement les patients.
Douleurs chroniques : le recours à la chirurgie
Quand des douleurs persistent alors que le patient a été traité, il s'agit peut-être de douleurs neuropathiques. Ce sont des douleurs engendrées par une lésion du système nerveux, compliquées à prendre en charge.
Aujourd'hui, des techniques chirurgicales permettent d'empêcher le message douloureux d'arriver jusqu'au cerveau.
Stimulation médullaire : un implant pour lutter contre la douleur
En cas d'échec des traitements de première intention, l'implantation d'un stimulateur médullaire est parfois proposée.
Le dispositif est composé d'électrodes en titane, reliées à un boîtier qui envoie un courant électrique dans le corps du patient. La stimulation médullaire permet de diminuer les douleurs en activant les systèmes inhibiteurs de la douleur.
Après l'intervention, le patient dispose d'une télécommande qu'il peut activer en cas de douleur. La télécommande reconnaît par wifi le stimulateur et le patient peut augmenter ou diminuer l'intensité de la stimulation en fonction de sa douleur.
La stimulation médullaire apporte de nombreux bénéfices pour les patients : diminution de la prise de médicaments, diminution des effets secondaires, meilleure qualité de vie... "Nous avons à peu près 60 à 70% des patients qui ont une très large diminution de leurs douleurs. On constate aussi une amélioration de la qualité de vie et une amélioration de tous les facteurs psychologiques et psychiques avec un meilleur moral, un retour à la socialisation...", explique le Dr Sylvie Raoul, neurochirurgien.
Tous les ans, au CHU de Nantes, plus de 120 patients douloureux chroniques bénéficient de la mise en place de ce dispositif contre la douleur.
Douleurs chroniques : de nouveaux traitements à l'essai
De nouvelles prises en charge de la douleur sont actuellement testées. C'est le cas de la stimulation magnétique transcrânienne répétitive.
Pour soulager les douleurs chroniques, un nouveau traitement est actuellement testé : la stimulation magnétique transcrânienne. "L'idée de ces stimulations est de stimuler, d'activer des systèmes de modulation de la douleur que nous avons tous dans le cerveau et qui permettent de contrôler la transmission de la douleur, la perception douloureuse. On pense que ces techniques de stimulation sont un des moyens de réactiver des systèmes défaillants chez certains patients", explique le Dr Didier Bouhassira, neurologue.
Une bobine placée directement sur la tête du patient envoie le champ magnétique sur la cible. La séance dure une quinzaine de minutes. Cette stimulation s'inscrit dans une évaluation clinique. Son but : mettre en évidence l'intérêt de ce nouveau traitement pour les personnes souffrant de douleurs chroniques. "L'objectif est de pouvoir faire passer ce traitement en thérapie. C'est-à-dire que les patients, dans n'importe quel centre anti-douleur, puissent avoir accès à cette thérapie parce que beaucoup de médicaments n'arrivent pas à traiter la douleur et on se retrouve avec des gens qui sont douloureux malgré la multitude de médicaments qu'ils prennent", précise Frédérique Poindessous-Jazat, neurophysiologiste. Ainsi ce traitement permettrait de diminuer les doses de médicaments.
À l'avenir, des séances de stimulation magnétique transcrânienne pourraient être proposées en cure de trois à six mois. Pour l'instant, les études montrent une efficacité chez 30 à 40% des personnes souffrant de douleurs chroniques.
Douleurs chroniques post-opératoires et anxiété : y a-t-il un lien ?
Y aurait-il un lien entre l'anxiété ressentie par le patient avant une intervention chirurgicale et la survenue de douleurs chroniques post-opératoires ? C'est ce que semblent montrer des recherches actuellement en cours.
Une étude s'est intéressée aux relations entre l'anxiété et les douleurs post-opératoires. Et les résultats de cette étude sont incontestables comme le confirme Sophie Baudic, neuropsychologue : "Quand on a commencé à dépouiller les résultats, on a montré que l'anxiété était un facteur de risque de survenue d'une douleur chronique post-opératoire, surtout lorsque l'intensité d'anxiété est élevée".
Pour Sophie Baudic, cette étude montre qu'il faudrait une prise en charge précoce pour les personnes anxieuses et émotives : "Nous avons des personnes qui sont totalement paniquées à l'idée de la chirurgie. Le fait de leur apporter une information pertinente qui les concerne permet de dédramatiser la situation et de réduire l'intensité de l'anxiété. Ils abordent du coup la chirurgie dans de meilleures conditions".
Les douleurs chroniques post-opératoires représentent 15% des consultations dans les centres anti-douleur. Parmi celles-ci, plus de 37% des cas viennent à la suite d'une mastectomie.
Du sport contre les douleurs chroniques
On pense souvent qu'en cas de douleurs, mieux vaut ne pas trop bouger. C'est pourtant tout le contraire. Au CHU de Nantes, des séances d'activité physique sont proposées aux personnes souffrant de douleurs chroniques.
Moins le corps bouge, plus les douleurs s'enlisent et s'aggravent. Alors pour sortir de ce cercle vicieux, au CHU de Nantes, c'est gym douce obligatoire pour tout le monde : "Le but des séances est de réapprendre à se mobiliser, à se refaire confiance... On souhaite montrer aux patients qu'ils ont des capacités à se mobiliser sans avoir forcément plus de douleur", explique Frédérique Penverne, masseur-kinésithérapeute.
Les kinésithérapeutes insistent sur la mobilité de la tête, du rachis cervical et des épaules. Des zones particulièrement tendues chez les patients douloureux chroniques. L'intensité de chaque exercice est choisie par les kinés, ils veillent également à ce que chacun respecte son seuil de douleur.
Si au fur et à mesure des séances, les muscles se détendent, les mouvements s'assouplissent... les bénéfices de l'activité physique ne s'arrêtent pas là : "Les bénéfices de l'exercice physique vont bien au delà de l'amélioration des douleurs. Elle améliore la condition physique générale, donc la confiance en soi. Elle améliore l'humeur, ce qui est très important car un tiers des personnes qui ont des douleurs chroniques ont des troubles de l'humeur, elles sont déprimées ou très anxieuses... L'activité physique améliore aussi le sommeil et la possibilité de reprendre une activité sociale et professionnelle", précise le Pr Julien Nizard, chef de services douleurs-soins palliatifs de l'hôpital Guillaume et René Laënnec de Nantes.
La reprise d'une activité physique permettrait aussi de réduire la prise de médicaments au long cours, souvent prescrits à ces patients et non dénués d'effets secondaires.
Douleurs chroniques : la musique adoucit les douleurs
En France, plus de vingt millions de Français vivent avec des douleurs chroniques. Des douleurs chroniques qui entraînent une dégradation considérable de la qualité de vie : arrêt de travail, perte d'emploi, fatigue, anxiété, isolement, dépression… 28% des patients douloureux chroniques estiment même que la douleur est parfois telle qu'ils ressentent l'envie de mourir.
Au CHU de Montpellier, les patients hospitalisés pour des douleurs chroniques bénéficient dans leur prise en charge, de séances de musicothérapie. Il ne s'agit pas de jouer d'un instrument mais d'écouter de la musique plusieurs fois par jour pour mieux lutter contre la douleur.
Ecouter de la musique pour oublier un corps douloureux. Pendant une vingtaine de minutes, la musique emmène les patients douloureux chroniques loin de leurs douleurs. Jazz, classique, rock, électro ou orientale… la musique s'adapte aux goûts des patients. Et à raison d'au moins trois séances de vingt minutes par jour, la musique fait partie intégrante du traitement de la douleur chronique.
"L'objectif est de se baser sur les principes de la relaxation et de l'hypnoanalgésie et de modifier l'état de conscience du patient par les paramètres musicaux", explique Stéphane Guétin, musicothérapeute. Rythme, instruments, volume… cinq années d'étude ont été nécessaires pour mettre au point les musiques qui ont toutes été composées selon un même schéma en forme de U : "On va jouer sur le rythme au début de la séance, progressivement le tempo va ralentir, le nombre d'instruments ou de la formation orchestrale va être réduit pour arriver à quelque chose de plus intimiste et beaucoup plus doux. Au milieu de la séance qui représente l'état de relaxation profond, on modifie l'état de conscience, le patient ressent moins de douleurs puisqu'il est moins tendu, moins stressé, il y a moins de tensions musculaires. Et en fin de séance, on redynamise le patient, on le fait passer en phase d'éveil par une réintroduction progressive du tempo et de la formation orchestrale".
Le Dr Patrick Giniès, responsable du centre d'évaluation et du traitement de la douleur du CHRU de Montpellier, présente les bienfaits de la musicothérapie sur les douleurs chroniques : "Les patients ont vécu un corps douloureux qui s'est crispé, tendu… La musique va donner une expérience corporelle différente. Deuxièmement, la musique va agir sur le coeur, les émotions, il y a donc un effet sur la façon de vivre cette chair douloureuse par les émotions positives que la musique va introduire. Troisièmement, la musique va agir sur la tête. On souffre avec sa tête, un patient douloureux qui a des années de mémoire de la douleur ne peut pas s'imaginer vivre autre chose que cet enfer de la douleur. La possibilité de vivre même vingt minutes dans ce montage en U une expérience d'allégement de la douleur est un élément positif pour une mémoire positive de la douleur".
Les patients à qui la musicothérapie est proposée en plus des traitements antalgiques traditionnels observent une baisse de 50% de leurs douleurs ainsi qu'une diminution significative de leur consommation de médicaments.
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