Du gaz toxique dans la clim de nos voitures ?
La Commission européenne a publié en 2006 une directive obligeant les constructeurs automobiles à changer, à partir de 2011, les systèmes de climatisation des voitures, afin de réduire l'impact néfaste des gaz utilisés sur l'environnement. Un nouveau gaz a été dans ce sens mis au point par un géant américain de l'industrie. Problème : ce nouveau fluide ne serait pas complètement inoffensif pour l'homme. Les explications en vidéo, dans le reportage ci-dessous, avec André Picot, toxicochimiste.
Le géant de l'industrie américain Honeywell a développé le gaz HFO-1234yf, qui a été approuvé par l'association SAE International, un organisme mondial regroupant des ingénieurs et experts techniques dans les industries de l'automobile, de l'aérospatiale et des véhicules commerciaux.
Ce gaz devrait donc être prochainement installé dans tous les systèmes de climatisation mobile, mais comporte un certains nombre de risques.
Outre les explications en vidéo ci-dessus, nous avons reccueilli en trois questions, les propos de Michèle Rivasi, députée européenne d'Europe Écologie, qui s’inquiète en haut lieu de la toxicité de ce fluide réfrigérant :
- Est-on sûr de la toxicité de ce produit ?
Michèle Rivasi : "On sait grâce à des études de physiciens et de chimistes allemands qu'il s'agit d'un gaz toxique. C'est un gaz inflammable et sa température d'auto-inflammation est assez basse (405 °C).
"En cas d'inflammation, le HFO-1234yf produit du fluorure d'hydrogène qui se transforme en acide chlorydrique extrêmement toxique et corrosif pour la peau. Et il suffit de quelques grammes pour qu'il soit toxique, voire mortel.
"Evidemment les constructeurs nous disent qu'il n'y a pas de problème car le gaz n'est pas à l'air libre mais en cas d'accident, de collision entre deux voitures, imaginez le résultat ! Le problème c’'st qu'avec une voiture le risque de rupture du circuit d'étanchéité est important. Donc c'est incompréhensible que la Commission européenne ait donné à Honeywell l'autorisation de mettre ce produit sur le marché.
"Moi, je n'ai pas confiance dans la certification internationale - regardez le scandale des prothèses mammaires - donc je demande à la Commission européenne de faire appel à des experts européens pour réaliser des études complémentaires. L'industrie du froid représente 30 milliards d'euros de chiffre d'affaires et 200 000 emplois. Donc il y a certainement des enjeux économiques."
- Il fallait pourtant bien changer les gaz des circuits de réfrigération des automobiles ?
Michèle Rivasi : "Dans les années 1990, il y a eu un premier changement pour utiliser des gaz plus respectueux de la couche d'ozone. On a donc trouvé ces gaz au fluor, dont le problème est qu'ils émettent trop de gaz à effet de serre.
"Depuis 2006 et la directive européenne 2006/40/CE, on a demandé aux constructeurs de trouver un gaz plus respectueux de l'environnement. On aurait pu le remplacer par du gaz carbonique, c'était plus sûr, il n'y avait aucun effet toxique. Sauf qu'il aurait fallu remplacer tout le système d'air conditionné, moyennant quoi on se retrouve avec un gaz certes plus respectueux de la nature, mais potentiellement dangereux pour la santé humaine… Donc je pense que la société Honeywell a agi avec facilité en proposant ce gaz."
- Hormis les voitures, est-ce que ce gaz est utilisé ailleurs ?
Michèle Rivasi : "Ce que je crains est que ce gaz se retrouve dans plusieurs systèmes de réfrigération s'il est accepté pour les voitures.
"Cela veut dire que l'on pourrait le retrouver à terme dans tous les appareils utilisant des systèmes de réfrigération : air conditionné, frigidaires, etc. Et le problème est toujours le risque de rupture du circuit d'étanchéité. Donc j'attends de la Commission européenne qu'elle justifie le choix de ce fluide et au besoin qu'elle demande des études. Si elle ne le fait pas, je demanderai un audit."
En savoir plus
- Le Monde.fr - Blogs
- "Un nouveau gaz tueur menace-t-il les automobilistes ?", 17 janvier 2012.
- France Info
- "Un gaz potentiellement mortel pourrait bientôt circuler dans nos voitures", 17 janvier 2012.