L'instant présent, ennemi du sevrage tabagique ?
Se projeter dans le futur aide à arrêter de fumer. C'est en tout cas ce qu'affirment les docteurs Heather Brown et Jean Adams, de l'Université de Newcastle.
Depuis huit ans, les deux chercheurs travaillent sur une base de données australienne regroupant 7 000 personnes. En isolant les fumeurs des non-fumeurs, Heather Brown et Jean Adams ont analysé les styles de vie de leurs cobayes (économie, travail, famille, projet de vie) sur sept ans, de 2001 à 2008. Leurs conclusions ? 76% des personnes qui ont arrêté de fumer avaient établi un plan financier sur le long terme, tandis que seuls 66 % de ceux qui continuent ont réussi à se projeter dans un futur lointain.
Alors que de précédentes études avaient déjà prouvé que les non-fumeurs avaient plus de capacité à se programmer un avenir lointain, ces nouvelles analyses, rendues publiques le 4 septembre 2012, mettent en évidence un lien entre la projection dans le futur et l'arrêt de la cigarette. Le professeur Jean Adams précise : "Aider les fumeurs à penser au futur pourrait être une solution pour les aider à arrêter".
Un fait qui coïncide également avec d'autres études : des chercheurs ont montré que les diabétiques qui regardaient vers l'avenir étaient plus enclins à suivre un régime approprié et à faire de l'exercice. Le philosophe Dereck Parfit, dans son livre Reasons and Persons, publié en 1984, aurait même expliqué la faible adhérence des traitements anti diabète chez les jeunes par leur incapacité à se projeter sur le long terme. Même phénomène pour les cocaïnomanes qui arrêterait plus volontiers leur consommation de drogues en s'imaginant dans un futur lointain.
Le sevrage tabagique n'est pas qu'une histoire de substances, la composante psychologique reste essentielle dans la prise en charge. La course à l'instant présent, la peur du lendemain, l'incertitude de l'avenir par temps de crise, ne sont visiblement pas de bons atouts pour arrêter de fumer. La composante économique n'est peut-être pas moins négligeable... Il suffit de faire le calcul : cinq paquets par semaine sur quatre ans reviennent à 5600 euros environ... Bien plus percutant et motivant qu'un calcul au jour le jour !
Source : Brown H and Adams J. The role of time preference in smoking cessation: A longitudinal analysis of data from the Household Income and Labour Dynamics of Australia survey, 2001-08. Addiction, 107, doi:10.1111/j.1360-0443.2012.03997.x
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