Maladie de Lyme : deux pharmaciens condamnés pour un dépistage non homologué
Deux partisans de méthodes alternatives de détection et de traitement de la maladie de Lyme, qui se présentent comme des "lanceurs d'alerte" face à une épidémie qu'ils jugent sous-estimée, ont été condamnés ce 13 novembre à Strasbourg à neuf mois de prison avec sursis pour "escroquerie à l'assurance maladie" et "exercice illégal de la pharmacie".
Viviane Schaller, 66 ans, docteur en pharmacie et ancienne gérante d'un laboratoire d'analyses biologiques strasbourgeois, a été reconnue coupable d'avoir appliqué pendant des années un protocole de dépistage de la maladie non homologué par les autorités sanitaires.
Elle a ainsi annoncé à des milliers de patients, dans toute la France, qu'ils étaient bel et bien porteurs de cette affection pouvant provoquer des troubles invalidants et douloureux, notamment neurologiques, articulaires et musculaires, et ce alors que les tests "officiels" affirmaient le contraire.
Elle a été condamnée par le tribunal correctionnel à rembourser 280.820 euros à la Caisse primaire d'assurance maladie, somme qui correspond aux remboursements octroyés par la caisse pour ces milliers de tests pratiqués hors cadre réglementaire.
L'autre prévenu, Bernard Christophe, 65 ans (également diplômé en pharmacie, mais non inscrit à l'ordre des pharmaciens), a été condamné pour avoir fabriqué et commercialisé, là encore hors du cadre réglementaire, un "remède à base d'huiles essentielles contre la maladie de Lyme", baptisé "Tic Tox". Il devra verser 10.000 euros de dommages et intérêts à l'ordre des pharmaciens.
Il a en revanche été relaxé de complicité d'escroquerie à l'assurance maladie. De même, Mme Schaller a été relaxée de complicité d'exercice illégal de la pharmacie.
L'une des avocates de la défense, Me Catherine Faivre, a annoncé que les deux prévenus feraient "évidemment" appel de ces condamnations.
"Il faut accorder à des personnes qu'on peut qualifier de lanceurs d'alerte la protection à laquelle ils ont droit. C'est ce que nous dirons devant la cour d'appel", a-t-elle expliqué à l'AFP. "Il est du pouvoir des juges d'interpréter la loi", a-t-elle ajouté.
Lors de l'audience, le 23 septembre, de nombreux malades étaient venus soutenir les deux prévenus, ainsi que plusieurs médecins.
"Il y a en France une sous-estimation dramatique de cette maladie", avait alors soutenu le Pr Christian Perronne, spécialiste des maladies infectieuses, et membre du Haut conseil de la santé publique. Les tests de détection "ont été calibrés il y a 30 ans de manière à ce que cette affection soit rare [...] et on n'est jamais revenu sur ce dogme", a-t-il déploré. Un reportage diffusé la même semaine dans le Magazine de la Santé, sur France 5, corroborait ces allégations, soulignant en outre que seules 20% des souches de la borréliose de Lyme en circulation en Europe peuvent être détectées par les tests autorisés en France.
La borréliose de Lyme est une maladie infectieuse provoquée par une bactérie transmise par les piqûres de tiques. Si les premiers signes d'infection (rougeur autour de la piqûre, fièvre) disparaissent d'eux-mêmes, ce qui ne veut pas dire que le malade est guéri. A ce stade précoce, un traitement antibiotique suffit généralement à venir à bout de la bactérie. Mais à des stades ultérieurs, la maladie peut entraîner une méningite, une paralysie faciale, une arthrite, voire des troubles cardiaques.