Médecins : mauvais prescripteurs des nouveaux anticoagulants ?
Une enquête de l'Assurance maladie souligne la prescription à mauvais escient par les médecins des nouveaux anticoagulants oraux dans la prévention des maladies thromboemboliques. Alors que quatre plaintes ont déjà été déposées contre l'anticoagulant Pradaxa®, l'assurance maladie insiste sur l'intérêt de sensibiliser les professionnels de santé quant aux modalités de prescription de ce nouveau médicament pour respecter son bon usage.
Les nouveaux anticoagulants ne sont qu'une alternative
La fibrillation auriculaire, pathologie du rythme cardiaque, peut se compliquer de maladies thromboemboliques par la formation de caillots sanguins. Pour éviter la survenue de ces maladies comme la phlébite, l'embolie pulmonaire ou l'accident ischémique cérébral, la prise d'anticoagulants peut s'avérer parfois nécessaire pour éviter la formation de caillots.
Les anticoagulants oraux antivitamine K (AVK) sont le traitement de référence dans le cadre de fibrillation auriculaire non valvulaire (sans pathologie valvulaire associée). Sa surveillance se fait par dosage de l'INR sanguin (test de laboratoire concernant la coagulation du sang), qui doit être compris entre 2 et 3. Ce dosage peut parfois être contraignant pour les patients qui doivent se soumettre à une prise de sang pluri-hebdomadaire et modifier le dosage du traitement.
En 2008, sont arrivés alors sur le marché les nouveaux anticoagulants oraux (NACO), grande révolution dans la prise en charge de la fibrillation auriculaire non valvulaire. Grande révolution car aucune surveillance par prise de sang n'est nécessaire. Un simple bilan biologique avant de débuter le traitement est effectué mais une fois débuté, il n'est pas indiqué de réaliser un contrôle de l'INR.
Malheureusement et contrairement aux AVK, aucun antidote n'existe en cas de surdosage des NACO et des accidents hémorragiques sont vite arrivés. La Haute autorité de santé (HAS) précise bien, dans une fiche du bon usage du médicament, que les NACO ne sont qu'une alternative aux AVK et ne doivent pas être prescrits en première intention.
Il n'existe à l'heure actuelle aucun argument scientifique pour remplacer un traitement par AVK efficace et bien toléré par un autre anticoagulant oral. La prescription de NACO peut être envisagée en alternative aux AVK, chez les patients sous AVK dont l'INR est difficile à équilibrer ou chez les patients dont la prise d'AVK est contre-indiquée ou mal tolérée.
5 à 10% de prescriptions inadaptées
L'Assurance maladie (AM) et l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) soulignent lors d'une conférence de presse organisée ce mercredi 27 novembre, que 5 à 10% des prescriptions des NACO au dernier trimestre 2012, comme le Pradaxa® (dabigatran), le Xarelto® (rivaroxaban) et l'Eliquis® (apixaban), ont été prescris à mauvais escient par les médecins.
Des patients avec une insuffisance rénale ou âgés de plus de 75 ans, se voient souvent prescrire des NACO, sans surveillance aucune, alors que la fiche HAS stipule bien que dans ces cas particuliers une surveillance rapprochée est nécessaire pour éviter les accidents hémorragiques.
"Sur le dernier trimestre 2012, près de 10% des patients débutant un traitement par NACO étaient des patients de 80 ans et plus, sans surveillance de leur fonction rénale", relate l'étude de l'AM. Certains médecins prescrivent aussi les NACO à des patients atteints de fibrillation auriculaire valvulaire alors qu'ils n'ont pas montré leur efficacité dans la fibrillation auriculaire liée à une pathologie valvulaire ni dans la prévention des thromboses de valve.
En d'autres termes, les patients atteints de ces pathologies valvulaires risquent de faire des accidents thromboemboliques sous NACO alors qu'ils n'en feraient pas sous AVK. Les médecins ne le savent-ils pas ? Ne sont-ils pas formés au bon usage d'un nouveau médicament quand il est mis sous le marché ? N'est-ce pas normalement le travail de l'ANSM de mener des actions d'information auprès des professionnels de santé et du public pour améliorer le bon usage des produits de santé ? Lors de la conférence de presse, l'ANSM a précisé qu'un plan d'action a été mis en place par les autorités de santé, pour surveiller étroitement la prescription des NACO et apporter des informations aux professionnels de santé et aux patients.
Une fiche de bon usage des NACO est disponible sur le site de l'HAS et sur le site de l'AM.
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