Pour bien vieillir, laissez vos regrets au placard !
Passée la barre des 65 ans, les fameuses phrases du type "j'aurais dû..." ou "si seulement..." sont à bannir. En effet, selon un article publié dans la revue "Science", des chercheurs allemands du Centre médical de l'Université de Hambourg-Eppendorf, en Allemagne, ont démontré que ne pas regarder en arrière et laisser nos regrets au placard jouerait un rôle déterminant dans notre bien-être émotionnel.
Stafanie Brassen et son équipe ont rendu le rapport de deux expériences qui suggèrent que la clé pour bien vieillir peut impliquer d'apprendre à se débarrasser des regrets. En effet, sur trois groupes de participants, ils ont constaté que le groupe des patients jeunes en bonne santé et celui des patients âgés dépressifs (66 ans en moyenne) semblaient beaucoup regretter des occasions manquées, alors que les participants âgés et en bonne santé semblaient les laisser aller et ne pas y prêter attention.
Pour "mesurer" le regret, les chercheurs ont inventé un jeu à risque. Le principe est d'examiner huit boîtes fermées sur un écran d'ordinateur. Les participants peuvent choisir de révéler ou non leur contenu pendant plusieurs tours.
Le jeu du petit diable
Sept des boîtes contiennent de l'argent et une contient un petit diable. Les participants perdent l'argent qu'ils ont gagné à chaque tour s'ils ouvrent celle avec le diable.
Dans leur première expérience, l'équipe fait jouer les participants en faisant une IRM de leur cerveau.
S. Brassen et ses collègues ont constaté que lorsque les participants âgés en bonne santé perdaient de l'argent au "jeu du diable", leur cerveau ne traite pas le regret (moins d'influx nerveux) de la même manière que celui des participants jeunes et dépressifs âgés.
Et ils ont constaté, en revanche, que le centre de contrôle des émotions était beaucoup plus actif chez les mêmes personnes que chez les deux autres groupes. De plus, l'intensité d'inhibition des émotions est proportionnelle à l'ampleur des conséquences d'un choix.
Conclusion, les personnes âgées, en bonne santé physique et psychologique, canalisent beaucoup mieux leurs émotions face au regret et sont donc moins affectées par cette expérience, que les deux autres groupes de participants (jeunes et âgés dépressifs), voire ils n'y prêtent même pas attention.
Les regrets emballent et fatiguent le coeur
Dans une seconde expérience, cette fois-ci seulement chez les participants âgés, ils ont constaté que lorsque les participants âgés déprimés perdent beaucoup d'argent au "jeu du diable", la conductance de leur peau et la fréquence cardiaque diminuent significativement, alors que lorsque les participants en bonne santé âgés perdent la même somme, conductance de la peau et fréquence cardiaque restent constantes.
Une réaction physiologique est donc bel et bien présente lorsque l'on regrette de ne pas avoir fait quelque chose.
On remet également en question le stéréotype du jeune fougueux et intrépide face au petit vieux prudent et fébrile.
En effet, il est intéressant de constater qu'au début du jeu les participants jeunes et âgés dépressifs seront très prudents en ouvrant très peu de boîtes à chaque tour, ils prendront plus de risques petit à petit, alors que les personnes âgées en bonne santé joueront avec la même stratégie du début à la fin du jeu.
On aurait donc tendance à penser que les regrets pourraient s’avérer bénéfiques et édifiants pour les jeunes ("ce qui ne te tues pas te rend plus fort"), mais que passé un certain âge, notre attitude face au regret pourrait refléter un état psychologique bien plus important qu'on pourrait le croire.
Peut-être faudrait il s'interroger sur notre passé, l'accepter tel qu'il est pour s'accepter soi-même, ne pas souffrir de ce que nous n'avons pas fait, et regarder de façon plus lucide ce qu'il nous reste à accomplir… Un espoir pour les 20 à 50 % de seniors français qui connaissent un épisode dépressif au cours de leur retraite.
Source : "How to Age Well, The importance of letting regrets go", Christopher Berger, Scientif American, June 12, 2012