Stylos injecteurs/Hépatite C : nouvelle défaillance de la sécurité sanitaire ?
Les laboratoires américains Merck MSD savaient qu'il y avait un problème avec leurs stylos injecteurs du traitement de l'hépatite C ViraféronPeg®. Ils l'ont admis devant les interrogations de l'Afssaps. L'Agence du médicament avait elle-même des éléments d'alerte, mais elle ne s'en était pas vraiment saisie jusqu'à cette semaine.
Une fois de plus, les dispositifs de sécurité sanitaire n’ont pas réussi à éviter la mise en danger de patients par un laboratoire pharmaceutique. Cette défaillance pourrait surtout être pointée sur l’année 2010, c’est-à-dire avant la réforme en cours de l’Afssaps, rebaptisée l'Agence nationale de sécurité du médicament.
Dans un communiqué publié le 9 février 2012, elle admet avoir "reçu vingt réclamations depuis 2002 (date de mise sur le marché du ViraféronPeg® ndlr) concernant des défauts de fonctionnement du stylo injecteur" et de citer précisément les points inquiétants soulevés début 2011 par le Pr. Albert Tran, chef de service d’hépato-gastroentérologie de l’hôpital de l’Archet à Nice qui avait alerté le laboratoire fabricant. A savoir, non seulement un "piston bloqué", mais surtout un "volume délivré inférieur au volume habituel", un problème grave susceptible de remettre en question l’efficacité du traitement et donc la guérison des patients atteints d’hépatite C.
Pourtant, l’Agence du médicament ne semble pas s’être particulièrement inquiétée. Pas même lorsque le dernier "rapport périodique d’évaluation de la sécurité de ViraféronPe®g sur la période allant de juillet 2009 à juillet 2010 (…) a débouché sur une demande revue cumulative des réclamations liées au dispositif" ! L'idée était juste d’attendre patiemment que les résultats de cette "revue" soient intégrés au rapport suivant soumis aux autorités européennes…
Le laboratoire va "repenser la conception du dispositif"
Cela fait donc bientôt deux ans que les autorités sanitaires auraient pu interroger les laboratoires Merck MSD France sur la fiabilité de leur stylo injecteur. Près de deux ans que la firme aurait été obligée de reconnaître "avoir été destinataire de nombreuses réclamations sur le fonctionnement de ce stylo injecteur" (250 en 2011) au lieu d’affirmer que tout allait bien, comme au journal Libération la semaine précédent l’audition par l’Afssaps.
Devant ces aveux, l’Agence du médicament annonce la mise en place d’un "comité d’experts chargé de préciser les risques liés à ces dysfonctionnements et de proposer les mesures adaptées à la garantie de l’efficacité du traitement". Mais sans attendre ses conclusions, le fabricant a déclaré envisager "d’apporter des modifications techniques voire de repenser la conception du dispositif." Pour l’instant, personne n’évoque la suspension de l’utilisation du stylo car certains patients semblent correctement traités.
Tous sont néanmoins invités par l’Afssaps à contacter leurs spécialistes pour s’assurer "de l’efficacité de leur traitement"… Car s’ils ne s’injectent pas toute la dose nécessaire, normalement définie en fonction de leur poids avec facilité grâce au stylo (!), le virus de l’hépatite C peut être mal contrôlé. Si des bilans systématiques sont ainsi réalisés, ils permettront peut-être d’établir l’ampleur du risque généré par ce défaut matériel. L’ensemble illustre d’ores et déjà tristement l’état d’esprit encore douteux de certains laboratoires pharmaceutiques bien sûr, mais aussi la faiblesse de nos "boucliers sanitaires" ces dernières années.
En savoir plus
- Afssaps
"Dysfonctionnements du stylo injecteur de ViraféronPeg®", communiqué du 9 février 2012.
- Libération
- "Hépatite C : aux remèdes les grands maux ?", par Yann Philippin, mercredi 8 février 2012.