Tous les nouveaux anticoagulants oraux ne se valent pas
La commission de transparence de la Haute autorité de santé (HAS) vient de réévaluer le service médical rendu des trois anticoagulants d'action directe - ou "nouveaux anticoagulants oraux" - disponibles aujourd'hui sur le marché. Le dabigatran (Pradaxa®) y est jugé d'un intérêt moindre que ses concurrents.
Certains patients atteints de troubles du rythme cardiaque présentent un risque accru de formation de caillots sanguins : en fluidifiant le sang, les médicaments anticoagulants permettent d'éviter phlébite, embolie pulmonaire ou accident ischémique cérébral.
La prise d'anticoagulants oraux "antivitamine K" (AVK) – médicaments très efficaces – nécessite de surveiller fréquemment(1) l'indice de coagulation du sang, par des prélèvements contraignants. En 2008(2), de nouveaux anticoagulants oraux (NACO, parfois appelés "anticoagulants d'action directe") sont arrivés sur le marché, dont le principal intérêt résidait dans l'inutilité des prises de sang de suivi.
Malheureusement – et contrairement aux AVK – aucun antidote n'existe en cas de surdosage des NACO et des accidents hémorragiques sont vite arrivés.
Pour cette raison, la Haute autorité de santé (HAS) souligne depuis de nombreuses années que les NACO ne doivent pas être prescrits en première intention.
Un service médical rendu réévalué
Les trois NACO existants sont l'apixaban (Eliquis®), le rivaroxaban (Xaerekti®) et le dabigatran (Pradaxa®). Ces molécules interagissent avec des cibles chimiques différentes(3).
L'évaluation initiale de ces médicaments, par les autorités sanitaires, avait conclu que le service médical rendu (SMR) associé était important. Sept ans plus tard, suite à une saisine de la ministre de la Santé, la commission de la Transparence de la HAS a réévalué l'efficacité relative de ces trois médicaments.
Dans un rapport rendu public le 26 janvier 2015, la commission indique que "les nombreuses données (niveau de preuve des essais pivots, études observationnelles, méta-analyses) désormais disponibles [pour chacun de ces trois NACO]" ont conduit à réévaluer ce SMR.
Les experts de la Haute autorité concluent ainsi :
- que le service médical rendu de l'Eliquis® reste "important" ; par rapport aux AVK, l'amélioration du service médical rendu est notable, mais "mineure"
- que le SMR du Xarelto® reste également "important" ; il n'y a toutefois pas d'amélioration du service médical rendu par rapport aux AVK.
- que le SMR du Pradaxa® doit être abaissé à "modéré" ; il n'y a pas non plus d'amélioration du SMR par rapport aux AVK.
Concernant la place de ces médicaments dans la stratégie de prévention des événements vasculaires, la HAS confirme qu'ils doivent, dans l'état actuel des connaissances scientifiques, "être prescrits en deuxième intention, compte tenu de l'absence d'antidote (avec néanmoins des produits en cours de développement) et de l'absence de possibilité de mesurer en pratique courante le niveau d'anticoagulation".
Les experts insistent sur le fait que NACO doivent être réservés :
- "[aux] patients sous AVK pour lesquels le maintien de l'INR (taux de prothrombine, protéine de coagulation mesurée au cours des prélévements de contrôles, NDLR) [ciblé] n'est pas assuré malgré une observance correcte";
- "[et aux] patients pour lesquels les AVK sont contre-indiqués ou mal tolérés, ou qui acceptent mal les contraintes liées à la surveillance de l'INR."
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(1) Erratum : une première version de cet article notait que ces dosages devaenit être effectués "plusieurs fois par semaine" - sans préciser que les contrôles s'espacent généralement au fil du temps. La fréquence des dosages est déterminée par le médecin, et peut varier en fonction des circonstances. Plus fréquents à l'initiation du traitement, ces contrôles peuvent s'espacer par la suite. Ils devront toutefois être effectués au minimum une fois par mois.
(2) Initialement prescrits "en prévention des événements thromboemboliques veineux en [chirurgie] de la hanche et du genou", leurs indications ont été élargies en 2011 et 2012 "à la prévention des accidents vasculaires cérébraux (AVC) et des embolies systémiques chez les patients adultes avec fibrillation auriculaire non valvulaire ayant un ou plusieurs facteurs de risque vasculaire associés". (Source : HAS)
(3) Le dabigatran est un inhibiteur direct de la thrombine, les deux autres étant des inhibiteurs directs du facteur Xa.