Les médecins seuls autorisés à pratiquer l'épilation définitive
Ce n’est pas le premier procès en la matière, mais il marque les esprits par l’ampleur des amendes : de 3.000 à 50.000 euros pour "exercice illégal de la médecine". En cause : la pratique de l’épilation, dite "définitive", à la lumière pulsée par des centres de soins esthétiques.
En France, ils sont près de 30.000 instituts à proposer une offre d’épilation définitive par la technique dite "à la lumière pulsée". Mais les médecins voient d’un très mauvais œil cette pratique qui, selon eux, relève d’un acte médical et non du seul soin esthétique.
En effet, selon le Dr Jean-Luc Rigon, secrétaire général du Syndicat national des dermatologues : "la cible du laser comme celle des lampes flash (la lumière pulsée, NDLR), quand on fait de l’épilation, c’est la mélanine". "Le but", poursuit-il, "c’est de brûler une cible, la mélanine qui, malheureusement, se trouve dans bien d’autres endroits que dans le poil : c’est le bronzage, c’est ce qui est contenu dans les grains de beauté et dans les cancers des grains de beauté". Ainsi, selon lui, il s'agit "de matériel dangereux, qui nécessite un savoir-faire et surtout qui implique de savoir ce que l’on traite et ce que l’on ne traite pas et ça, les esthéticiennes en sont incapables".
Un jugement en cohérence avec la loi
La décision, rendue le 15 mars dernier, suite à une plainte déposée en janvier 2016 par plusieurs syndicats de médecins, rejoint plusieurs autres jugements déjà rendus sur cette problématique. Et tous vont dans le même sens : condamnation des cabinets d’esthétique pour "exercice illégal de la médecine". Des verdicts tout à fait cohérents avec le droit; puisque celui-ci encadre très strictement la pratique de l’épilation. Selon un arrêté ministériel du 16 janvier 1962, "ne peuvent être pratiqués que par les docteurs en médecine […] les actes médicaux suivants : […] tout mode d'épilation, sauf les épilations à la pince ou à la cire".
Dans ce cas précis, le tribunal correctionnel de Paris a donc condamné plusieurs sociétés à des amendes allant de 3.000 à 50.000€, la plus lourdement condamnée étant la société International Esthétique, propriétaire d’une enseigne comptant plus de 150 établissements. Certaines entreprises, telle que Depil Tech, ont été jugées complices de l’exercice illégal de la médecine pour avoir "fourni les moyens" de cette pratique en délivrant du matériel d’épilation.
Selon le Dr Rigon : "les industriels qui vendent ce matériel savent parfaitement ce qu’ils font et incitent les esthéticiennes à le faire. Ils vendent donc des machines et, après, ils s’en lavent les mains". Or, précise-t-il : "dans le domaine dermatologique, l’énorme majorité des contentieux qui existent entre les dermatologues et leurs patients correspondent à des lasers. Donc, que l’on ne nous dise pas que c’est quelques chose d’anodin, ce n’est pas vrai.
Reste alors une question majeure : puisque la loi encadre de façon très stricte la pratique de l’épilation, puisque les tribunaux condamnent régulièrement les cabinets d’esthétique pour "exercice illégal de la médecine", comment se fait-il que les appareils d’épilation puissent être vendus à ces centres d’esthétique ?
En janvier 2014, l’Agence Régionale de Santé d’Ile-de-France indiquait que le ministère de la Santé avait reçu plusieurs signalements de cas de brûlures graves suite à des épilations à lumière pulsée. Elle rappelait également que cette technique pouvait masquer des lésions cancéreuses non encore diagnostiquées, qui évolueraient donc à bas bruit (Source : ARS Île-de-France)