Elections européennes : le bien-être animal véritable enjeu politique
À quelques jours du scrutin pour les Européennes, il semble que de nombreux partis politiques aient intégré la question animale dans leur programme. Est-ce que l’animal est en train de devenir un enjeu politique ? La réponse avec Farah Kesri, notre vétérinaire éthologue.
A chaque événement, comme par exemple celui du salon de l’agriculture, les politiques se pressent pour se montrer et quand il y a des élections et la cause animale est abordée.
Deux sondages IFOP de 2019 le montrent.
- 89% des Français jugent la cause animale importante (9 français sur 10)
- 38% déclarent que les propositions en faveur de la protection animale les inciteraient à voter pour un candidat.
C'est très nouveau et on comprend un peu mieux pourquoi la cause animale attire les politiques.
Des lois pour que les animaux aient des droits
Généralement pour qu’une opinion change, il faut agir à deux niveaux : sur la raison puis sur l’affect.
Côté raison, la science a prouvé que les animaux n’étaient pas des machines mais des êtres doués de sensibilité, d’émotion et d’intelligence.
Côté affect, les actions des associations de protection des animaux ont dénoncé des traitements indignes.
Notamment les vidéos de l’association L214 sur les traitements violents que subissent les animaux. Dans les abattoirs, il arrive que des animaux soient mis à mort sans étourdissement alors que c’est obligatoire en Europe. Dans les élevages piscicoles, les poissons sont parfois laissés hors de l'eau jusqu'à étouffement. Dans certaines fermes d’élevage destinées à la production des œufs, puisque les poussins mâles ne pondent pas, ils sont broyés. Désormais, plus personne ne peut plus dire : "On ne savait pas". Quand une société commence à réfléchir sur comment diminuer la souffrance des animaux et comment mieux cohabiter avec eux et bien on établie des règles, on met des limites à ne pas franchir et c’est ce qui fait qu'on passe de l’éthique à de la politique.
Ce que disent les lois en faveur des animaux
Il y a le code rural, le code civil et le code pénal. Dans le code pénal, la maltraitance animale est illégale que ce soit envers les animaux domestiques ou sauvages et ce depuis 1963, elle est passible de 750 € d'amende. Les actes de cruauté sont punis de 2 ans de prison et 30 000 € d'amende. Selon la loi : les particuliers, les zoos, les cirques et un certain type de chasse sont concernés. Tout ce qui relève de l’expérimentation animale dans le cadre de la recherche, doit être encadré par un comité d’éthique. Dans le code civil ce n’est qu’en 2015, que la loi reconnait l'animal comme un être doué de sensibilité alors que dans le code rural c’est depuis 1976 avec l’article L214 "Tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce".
Donner à l'animal un statut à part
Pour certains, ce n’est pas suffisant, ils veulent donner aux animaux le statut de "personne non humaine". Il s’agit de juristes, qui, en mars dernier à Toulon dans un colloque sur la personnalité juridique de l’animal, ont fait une déclaration solennelle.
Si nous nous en sommes au stade de la réflexion, d’autres ont déjà franchi le pas et en 2014, un tribunal argentin a reconnu à une orang-outang du nom de Sandra, qui était la propriété d’un zoo, le statut juridique de "personne non humaine" et décrété son droit à la liberté. Les avocats d’une association pour les droits des animaux avaient obtenu cette décision en s’appuyant sur le Habeas corpus, une notion juridique qui énonce un droit fondamentale qui est celui de ne pas être emprisonné sans jugement.
Les animaux considérés comme "personnes non humaines"
Un jour, nous n'aurons plus le droit de manger de viande, il n’y aura plus de zoo, ni d’expérimentation animale. Faut-il pour protéger les animaux les considérer un peu comme nous ou bien, ont-ils le droit d’être protégés en les respectant pour ce qu’ils sont dans leurs différences ?
Selon Darwin nous avons un lien de parenté avec tout le vivant. Sapiens s’est séparé des singes, il y a seulement 7 millions d’années. Il a développé un système nerveux qui est quatre fois le cerveau d’un singe et il a inventé le droit pour considérer la position des humains dans la nature par rapport au reste du vivant. Ce qui nous oblige à avoir une responsabilité envers eux. Les lois actuelles ne sont pas appliquées, elles sont en plus, incohérentes.
L’animal est un être sensible mais il est encore assimilé à un objet. On reconnait la sensibilité d’un chien mais pas celle du renard puisque la loi fait la différence entre animaux domestiques et sauvages.
Il faut absolument y mettre de l’ordre parce qu’il y va de notre survie. La cause animale risque bien d’être un levier pour changer notre mode de vie et laisser une chance pour les générations futures.