La cause animale au coeur de la campagne présidentielle
La cause animale entre dans l'arène politique avec un collectif AnimalPolitique et même un parti, le parti Animaliste lancé depuis novembre 2016. Ils se battent pour que la question animale soit au coeur des préoccupations politiques. Les explications avec Farah Kesri, notre chroniqueuse vétérinaire et biologiste.
Si le parti Animaliste ne présente aucun candidat à l'élection présidentielle, il se présentera toutefois aux élections législatives. Le parti Animaliste reprend la plupart des trente propositions mis en lumière par le collectif AnimalPolitique qui regroupe 26 organisations de protection animale comme la SPA, la Fondation 30 millions d'amis ou encore le collectif abolitionniste L214 connu pour ses vidéos notamment sur les abattoirs.
Les thèmes portent sur les animaux domestiques, les animaux d'élevage, les animaux de divertissement, l'expérimentation animale et le droit des animaux. Il existe déjà des partis de ce genre en Europe : aux Pays-Bas, au Portugal et en Espagne. Aux Pays-Bas, des députés nationaux et européens, des sénateurs et des élus locaux ont été élus. Au Portugal, un député a été élu. Et en Belgique, il y a trois ministres pour le bien-être animal séparé du ministère de l'Agriculture.
Les revendications du parti Animaliste
Concernent les animaux d'élevage, le parti Animaliste souhaite :
- Interdire les cages et favoriser le plein air
- Respecter les besoins physiologiques de l'animal
- Mettre fin aux pratiques d'élevage douloureuses (castration à vif, écornage, gavage…)
- Limiter la durée des transports d'animaux vivants et rendre systématique l'étourdissement avant toute mise à mort. Autrement dit, réduire au maximum la douleur.
Il s'agit de mesures pour le bien-être animal mais qui ont un impact sur la qualité de la viande. En 1970, des éleveurs de porcs avaient demandé au vétérinaire et neurobiologiste Robert Dantzer pourquoi leur viande avait un goût pisseux ? Selon Robert Dantzer, le stress avant l'abattage induit une sécrétion importante d'adrénaline et de cortisone et cela modifie le goût de la viande. Autrement dit, si on déstresse l'animal avant, la viande sera meilleure après. Problème, au lieu de travailler sur le bien-être animal pour réduire le stress, les éleveurs ont choisi la solution la plus facile, à savoir la réponse médicamenteuse.
Les anti-stress sont monnaie courante dans les élevages, notamment dans les élevages de volailles. À J-0, on donne de l'anti-stress au poussin pour que leur coeur ne fasse pas d'arrêt cardiaque. Quand il se retrouve avec des milliers de poussins, pour traiter les infections respiratoires récurrentes en raison de la promiscuité, on le traite avec des antibiotiques. On leur coupe le bec pour qu'ils ne se blessent pas les uns les autres, en raison du manque d'espace. Même chose pour les cornes chez les bovins. Quand on respecte les besoins physiologiques d'une espèce (des poules, des porcs ou des vaches), on améliore leur bien-être et on réduit le taux de maladies, d'accidents et de traitements médicamenteux.
C'est surtout dans les abats que se concentrent les résidus médicamenteux. On en retrouve moins dans la viande mais il y en a tout de même un peu. De plus, dans les élevages intensifs, on fait de la métaphylaxie, c'est-à-dire que dès que l'on détecte un agent pathogène, on administre des antibiotiques à tout le troupeau, même à ceux qui ne sont pas malades. Cette pratique est un problème de santé publique car cela contribue à l'augmentation des résistances aux antibiotiques. Nos traitements seront donc moins efficaces.
Du côté des éleveurs, ceux qui ont pu adapter leur exploitation pour améliorer les conditions de bien-être de leurs bêtes sont moins dans un rapport de force. Les animaux sont moins agressifs, voire pas du tout. Il y a moins d'accidents pour eux. De plus, la productivité augmente. Des travaux réalisés par des chercheurs de l'INRA (institut de recherche agronomique) le prouvent. Plusieurs études montrent que manger trop de viande rouge n'est pas bon pour la santé. Pourtant, on continue à pousser les éleveurs à nourrir de plus en plus la planète alors que les données ont changé.
Le statut des animaux évolue
Dans notre conscience collective engluée dans un héritage religieux et philosophique, l'animal n'a pas d'âme et ne serait qu'une machine selon Descartes. Les lobbies de l'agroalimentaire font croire que tout va bien et que les priorités sont ailleurs. Mais petit à petit, les consciences se réveillent. Depuis le 28 janvier 2015, l'animal n'est plus considéré comme un meuble dans le code civil qui date de 1804 sous Napoléon, grâce à la Fondation 30 millions d'amis et plusieurs manifestes d'intellectuels. Il est enfin reconnu comme un "être vivant doué de sensibilité". Le code rural l'avait reconnu en 1976 et le code pénal en 1963, date à laquelle la cruauté envers les animaux a enfin été reconnue comme un délit passible de deux ans de prison.
L'une des toutes premières lois de protection animale date de 1850. Elle a été rédigée pour préserver la sensibilité des citadins choqués de voir dans la rue des mauvais traitements sur les chevaux. Il s'agit de la loi Grammont. Enfin, selon les chiffres de la Commission européenne, 98% des Français considèrent qu'il est important de protéger les animaux d'élevage (Eurobaromètre 2016). Et selon un sondage de 2014 OpinionWay de 2014, 90% des Français souhaitent l'interdiction de l'élevage en cage des poules pondeuses. D'ailleurs, plusieurs enseignes d'hypermarchés se sont engagées à ne plus vendre d'oeufs issus des élevages en cage.
Si le choix de devenir végétarien est un choix personnel, la question de la souffrance animale est une question de société. À nous de savoir quelles valeurs nous voulons transmettre à nos enfants et dans quelle société nous voulons vivre.