Bébés nés sans bras : "Les autorités n’ont pas réalisé qu’il s’agissait d’un problème de santé publique"
Pour Emmanuelle Amar, la plainte contre X déposée par des parents pourrait relancer les investigations sur les cas d’agénésie transverse des membres supérieurs de certains enfants dans l'Ain.
"Je me dis que cette plainte va peut-être permettre de dépasser les blocages." Emmanuelle Amar est directrice générale du registre des malformations de Rhône-Alpes. En 2010, elle a relayé l’alerte d’un médecin sur le nombre important d’enfants nés avec une agénésie transverse des membres supérieurs [1] (ATMS) dans l’Ain, dans le Morbihan et en Loire-Atlantique. Mais aujourd’hui, elle regrette que les investigations aient été stoppées dans l’Ain. Selon elle, la plainte contre X récente d’une famille du département pour "mise en danger de la vie d'autrui" pourrait toutefois permettre de relancer les recherches.
"Les statistiques n’ont rien à voir dans cette affaire !"
"C’est un magistrat instructeur qui va décider ou non de la reconduite de l’investigation. Il est indépendant" développe-t-elle. Pour rappel, en octobre dernier, Santé publique France avait affirmé n'avoir isolé aucune cause commune pour l’Ain, et ajouté qu'il n'y avait pas d'"excès de cas". Puis, en juillet, un comité d'experts avait à son tour estimé que des investigations supplémentaires n’étaient pas nécessaires pour ce département. "Les autorités n’ont clairement pas réalisé qu’il s’agissait d’un problème de santé publique" regrette l’épidémiologiste.
D’après Emmanuelle Amar, les autorités sanitaires se sont uniquement basées sur des données administratives et statistiques. "Pourtant, les statistiques n’ont rien à voir dans cette affaire !" s’offusque la directrice du registre des malformations de Rhône-Alpes. Pour isoler ou non un agent causal, il aurait en effet fallu, selon elle, "rapprocher et faire correspondre des éléments de preuves" en comparant les données récoltées dans l’Ain, dans le Morbihan et en Loire-Atlantique.
Une "décision insupportable"
Aujourd’hui, les investigations sont donc stoppées dans l’Ain. Une "décision insupportable" pour Emmanuelle Amar. Elle s’explique : "Pour qu’il y ait une nouvelle investigation, il faut qu’on trouve un agent causal. Mais pour trouver un agent causal, il faut une nouvelle investigation. C’est le serpent qui se mord la queue !"
Depuis 2000, une vingtaine d’enfants sont nés avec une ATMS dans l’Ain, dans le Morbihan et en Loire-Atlantique. Pour le département breton, un comité constitué de scientifiques de Santé publique France et de l’Anses a recommandé de mener des investigations complémentaires. Pour la Loire-Atlantique, il a indiqué vouloir attendre "la fin de l'année" pour statuer sur un éventuel "excès de cas".
[1] Ces bébés sont nés avec une main, un avant-bras ou un bras en moins.