Pesticides : un village breton fait de la résistance !
Une centaine de personnes se sont rassemblées samedi à Rennes pour soutenir le maire de Langouët (Ille-et-Vilaine), convoqué devant la justice pour un arrêté interdisant l'utilisation des pesticides près des habitations.
"Madame la préfète, laissez nos maires nous protéger", "Pesticides, riverains, agriculteurs, tous victimes", "Stop pesticides, nous voulons des coquelicots" pouvait-on lire sur les banderoles d'une centaine de personnes rassemblées samedi dernier à Rennes devant la préfecture.
Elles étaient venues soutenir le maire de Langouët, en Ile-et-Vilaine, un village de 602 habitants situé à une vingtaine de kilomètres de Rennes et dénoncer l'usage de pesticides dans leur commune.
Une "problématique de santé publique"
Le 18 mai dernier, Daniel Cueff a pris un arrêté interdisant l'utilisation de produits phytopharmaceutiques "à une distance inférieure à 150 mètres de toute parcelle cadastrale comprenant un bâtiment à usage d'habitation ou professionnel". "Il est légitime qu'un maire agisse face à une carence de l’État", avait-il estimé mettant en avant une "problématique de santé publique".
A la demande de la préfecture de Bretagne, qui veut annuler l'arrêté, l'élu est convoqué jeudi 22 août devant le tribunal administratif de Rennes.
La préfecture estime que "l'arrêté municipal du 18 mai 2019 portant interdiction d'utilisation de produits phytopharmaceutiques sur le territoire de Langouët paraît entaché d'illégalité". Selon elle, le maire peut "intervenir au titre de ses pouvoirs de police générale si cette intervention est justifiée par des circonstances particulières locales ou en cas de péril imminent". "Dans ce cas précis, "ces circonstances ne sont nullement démontrées" précise-t-elle dans un communiqué.
Les participants au rassemblement de soutien ont répondu à l'appel du collectif "Nous voulons des coquelicots" de Langouët.
"Des taux élevés de glyphosate dans les urines"
"J'habite à Langouët dans une longère au milieu des champs, et ça fait très longtemps que les pesticides m'inquiètent, aussi bien pour mes enfants que pour mes petits-enfants", témoigne Nicole Duperron-Anneix, membre du collectif. "Les enfants de Langouët mangent bio à la cantine, habitent dans des bâtiments éco-conçus mais ils se déplacent et vivent près des champs et on a retrouvé des taux de glyphosate très élevés dans les urines de deux d'entre eux", ajoute-t-elle. "J'ai deux filles et je n'ai pas envie qu'elles tombent malade, on a des taux élevés de glyphosate dans nos urines alors qu'on mange bio et qu'on cultive notre jardin", abonde Hélène Heuré, employée communale.
" On fait beaucoup d'efforts sur le plan écologique. Ça sert à quoi si l'air que l'on respire est autant chargé en glyphosate ?" s’interroge le maire Daniel Cueff. " On voit que les agriculteurs ne sont pas prêts techniquement à supprimer le glyphosate. Ils ne cherchent pas d'alternative et pourtant ça existe" poursuit-il.
Classé comme « cancérigène probable » depuis 2015 par l’Organisation Mondiale de la santé, le glyphosate est utilisé sous diverses marques depuis que le brevet détenu par l’américains Monsanto est tombé dans le domaine public en 2000.
"La décision du maire est une décision de rupture", souligne Michel Besnard, président du collectif de soutien aux victimes des pesticides de l'Ouest, rappelant que le Conseil d'Etat a partiellement annulé le 26 juin un arrêté réglementant l'utilisation des pesticides au motif qu'il "ne protégeait pas suffisamment la santé des riverains".
"Arrêt des pesticides : la décision politique tarde"
"La décision politique d'arrêter les pesticides de synthèse tarde et c'est intolérable. Le tribunal doit être courageux", renchérit François Dufour, conseiller régional EELV de Normandie.
Langouët compte cinq agriculteurs dont deux en agriculture biologique, selon le maire. Village breton engagé dans l'écologie sociale, la commune est dotée d'une cantine 100% bio et locale depuis 2004, a dit "non" au désherbage chimique dès 1999 et produit plus d'électricité solaire que n'en consomment ses bâtiments publics.