Faut-il craindre la Shigella, une bactérie de plus en plus résistante ?
La Shigella est une bactérie responsable de diarrhées très contagieuses. Dans une nouvelle étude, l'Institut Pasteur alerte sur l'augmentation des résistances aux antibiotiques de ce germe.
Vent d'inquiétude à l'Institut Pasteur, et plus précisément au Centre national de référence des Escherichia coli, Shigella et Salmonella...
Alors qu'ils surveillent ces bactéries depuis de nombreuses années, les chercheurs de ce centre s'alarment de l'apparition de souches de Shigella hautement résistantes aux antibiotiques, traitement de référence de l'infection.
Qu'est-ce que la shigellose ?
Les bactéries Shigella provoquent une shigellose, infection méconnue, particulièrement fréquente dans les zones très peuplées et aux mauvaises conditions sanitaires. Mais elle est aussi présente dans des pays occidentaux comme les États-Unis ou la France.
Responsable de 5 à 10% des diarrhées dans le monde, les bactéries ciblent particulièrement l'intestin grêle et provoque également des vomissements, une fièvre, des douleurs au niveau de l'estomac et une envie constante de déféquer.
La transmission de la shigellose se fait par contact avec les selles infectées par la bactérie, les mains non lavées après un passage aux toilettes, ou avec des aliments et objets contaminés.
22% de souches résistantes aux antibiotiques
La maladie est habituellement soulagée par un traitement symptomatique de la diarrhée et une réhydratation. Elle ne se traite par antibiotiques que chez les personnes à maladie grave ou à risque.
Ce qui alerte les chercheurs de l'Institut Pasteur, ce sont les résultats d'une étude publiée dans la revue Nature Communications, début 2023. Grâce aux données issues de la surveillance des Shigella depuis 17 ans, elle montre des résistances élevées aux antibiotiques, chez certaines souches de Shigella, les S. sonnei.
Plus précisément, c'est en 2015 que sont apparues les souches hautement résistantes (ou XDR, extensively drug-resistant). Le pourcentage de ces souches a atteint un pic en 2021, à raison de 22,3% (soit 99 cas).
Autre donnée alarmante, au départ résistantes à un seul antibiotique, la ciprofloxacine, les souches ont réussi à résister à d'autres antibiotiques, fréquemment prescrits, comme l'azithromycine.
Pour prendre en charge les cas les plus sévères, les médecins ne peuvent plus qu'administrer l'un des deux antibiotiques encore efficaces, en intraveineuse et en milieu hospitalier.
Qui sont les personnes les plus à risque ?
De plus, les chercheurs ont analysé plus précisément le mode de vie des patients concernés par les bactéries hautement résistantes.
Verdict : être un homme ayant des relations sexuelles avec des hommes augmente nettement le risque.
Ce constat relève de la logique : plus fréquemment atteints d'infections sexuellement transmissibles (IST), ces hommes reçoivent plus souvent des antibiotiques pour les traiter. Ce qui augmente le risque de résistances chez les bactéries.
D'après les chercheurs, ces résultats devraient modifier la prise en charge de ces hommes, si une Shigella est identifiée. Ils préconisent la réalisation systématique d'un antibiogramme, examen qui détermine quels antibiotiques sont les plus indiqués.