Qu'est-ce que la phagothérapie, cette alternative aux antibiotiques ?

Cette méthode thérapeutique suscite un intérêt croissant dans le domaine médical. Mais en quoi consiste-t-elle exactement et dans quels cas est-elle utilisée en France ? On vous explique.

Rym Ben Ameur
Rédigé le
La phagothérapie pour lutter contre les infections ?
La phagothérapie pour lutter contre les infections ?  —  Le Mag de la Santé - France 5

La phagothérapie est-elle une solution innovante contre les infections résistantes ? Cette "forme de lutte bactériologique", comme le définit l'Inserm, repose sur l'utilisation de bactériophages, plus couramment appelés "phages", des virus naturels capables d’infecter et de détruire spécifiquement certaines bactéries. Les phages sont 10 à 100 fois plus petits que les bactéries et sont programmés pour cibler uniquement ces dernières.

Une fois en contact avec une bactérie, le phage y injecte son ADN, se multiplie à l’intérieur, et finit par détruire son hôte. Ce mécanisme permet non seulement d’éliminer les bactéries pathogènes, mais aussi de limiter leur propagation. Découverts en 1917 par le microbiologiste Félix d’Hérelle, les phages existent dans la nature depuis des millions d’années. Aujourd’hui, en France, ils sont produits par une société spécialisée et par des chercheurs du Centre de Phagothérapie des Hospices Civils de Lyon (HCL).

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Dans quels cas la phagothérapie est-elle utilisée ?

La production de phages est un processus rigoureux. Les scientifiques les isolent à partir d’échantillons d’eaux usées, où ils sont naturellement présents. L’eau est ensuite purifiée pour éliminer les débris et les bactéries indésirables. Les phages sont alors mis en contact avec des souches bactériennes spécifiques, provenant de patients, pour tester leur efficacité. Une fois sélectionnés, les phages sont reproduits, purifiés, et conservés pour une utilisation future. 

Actuellement, la phagothérapie est principalement testée pour traiter des infections causées par des bactéries résistantes aux antibiotiques. Selon le Professeur Tristan Ferry, infectiologue spécialiste des phages, cette technique est aujourd’hui testée sur des infections liées à des bactéries comme les infections à staphylocoques, mais aussi dans le cadre d'infections urinaires, d'angines, de diarrhées ou d'infections plus graves, comme des infections osseuses, sur des prothèses articulaires ou même des infections pulmonaires. Des recherches sont également en cours pour cibler les bactéries associées à la maladie de Crohn, qui touche l'intestin.

Où en sont les recherches en France ?

Bien que prometteuse, la phagothérapie en est encore à un stade expérimental en France. Les phages doivent être produits dans des conditions pharmaceutiques strictes, similaires à celles des médicaments traditionnels. À ce jour, ils n’ont pas reçu d’autorisation de mise sur le marché (AMM) et sont utilisés dans des cadres très spécifiques, notamment pour des essais cliniques. 

Le Centre de Phagothérapie de Lyon a déjà traité une centaine de patients, avec des résultats encourageants. D’autres essais thérapeutiques sont en cours dans plusieurs hôpitaux français. L’objectif à long terme est de réduire l’utilisation excessive d’antibiotiques et de lutter contre l’antibiorésistance. Une avancée scientifique à suivre de près !