Les adolescents gothiques seraient plus déprimés que les autres
Ce n'est pas parce qu'un adolescent est de style gothique qu'il est mal dans sa peau, mais il a cependant plus de chance de présenter des signes de dépression que les autres, selon des chercheurs de l'Université d'Oxford.
Les jeunes gothiques ont plus tendance à broyer du noir que les autres adolescents. C'est du moins ce que suggère une récente étude, publiée dans The Lancet Psychiatry : les adolescents qui s'identifient à la mouvance gothique auraient un risque trois fois plus élevé d'être déprimés que les autres, bien qu'aucun lien de cause à effet n'ait été mis en évidence.
Issue de la culture punk et New Wave de la fin des années 1970, le style gothique est connu pour les tenues sombres et extravagantes de ses adeptes : long manteau de cuir noir, imposants souliers plus ou moins cloutés à semelles compensées, cheveux et maquillage sombres contrastant avec la blancheur du teint… Si cette description est caricaturale à l'extrême, il semblerait bien que la noirceur dont se parent certains gothiques soit révélatrice de celle de leur état d'esprit.
Le côté obscur de la culture gothique
Des chercheurs de l'université d'Oxford se sont ainsi intéressés au comportement et au style vestimentaire de plus de 2.300 adolescents britanniques pour déterminer s'il existait un lien avec leur santé mentale.
Leur étude est le fruit d'un suivi sur plusieurs années. L'état pyschologique des jeunes participants a été évalué une première fois à 15 ans, ainsi que leur degré d'affinités avec la culture gothique. Chaque jeune a ensuite subi un autre entretien à 18 ans afin de rechercher d'éventuels signes de mal-être.
Ce sont ceux qui revendiquaient dans leur quinzième année une forte appartenance à la mouvance gothique qui ont le plus interpellé les chercheurs : à 18 ans, leur risque de dépression est trois fois plus élevé que les autres, et celui d'avoir des tendances automutilatrices, voire suicidaires, est cinq fois plus élevé.
Toutefois, ces risques diminuent chez les adolescents qui estimaient se reconnaître "un peu" seulement dans la mouvance. A 18 ans, ils ont 1,6 fois plus de risques d'être dépressifs et un peu plus de 2,3 fois plus de risques d'avoir des tendances scarificatrices.
De quoi mettre en évidence un effet "dose-réponse" : plus l'adolescent adhère à la mouvance gothique, plus le risque de troubles psychiatriques augmente. En d'autres termes, les gothiques convaincus sont ceux qui ont le plus tendance à voir la vie en noir.
Qui de l'œuf ou de la poule ?
Cependant, "nos observations ne peuvent pas prouver le fait que devenir gothique entraîne un risque accru d'automutilation et de dépression", préviennent les chercheurs. Si ces derniers reconnaissent tout de même que les jeunes de ce groupe semblent plus "vulnérables" que les autres, ce n'est pas parce que l'on est gothique que l'on est mal dans sa peau. Et inversement.
Les auteurs envisagent plusieurs pistes qui pourraient expliquer la proportion de dépressifs chez les gothiques. "La contagion par les pairs peut être l'un des mécanismes par lesquels les jeunes gens peuvent rejoindre d'autres gothiques à risque et augmenter leur risque de dépression ou de comportement d'automutilation", proposent les scientifiques. En somme, rejoindre une communauté dont certains membres sont fragiles psychologiquement pourrait, par effet de groupe, entraîner une déprime collective.
Toutefois, il est aussi possible que la mouvance gothique attire davantage des jeunes déprimés et marginalisés, si bien que cela pourrait induire une forme de "sélection sociale", expliquent les chercheurs.
En attendant d'autres travaux de recherches, les auteurs conseillent de mettre en place une surveillance des jeunes les plus à risques. Ils suggèrent également de lancer des campagnes de sensibilisation pour éviter les stigmatisations et le harcèlement dont sont victimes certains jeunes, pas forcément gothiques, et qui accroissent leur mal-être.
Etude de référence :Risk of depression and self-harm in teenagers identifying with goth subculture: a longitudinal cohort study, The Lancet Psychiatry, DOI: http://dx.doi.org/10.1016/S2215-0366(15)00164-9