Les poux sont de plus en plus résistants aux traitements
Une équipe de chercheurs de l'Illinois révèle que sur le territoire américain, la quasi-totalité des poux ont développé une résistance aux pyréthrinoïdes, les traitements anti-poux les plus courants. Phénomène mondial, les poux résistants menacent également la France.
C'est à l'occasion de la 250e conférence de l'American Chemical Society (ACS), qui s'est tenue le 18 août 2015, à Boston, que les chercheurs américains de l'univesrité de l'Illinois ont tiré le signal d’alarme : la lutte contre les poux pourrait devenir de plus en plus difficile, ces derniers étant de mieux en mieux armés pour résister aux traitements courants. Aux États-Unis, la quasi-totalité des poux de tête ont désormais développé une résistance aux pyréthrinoïdes.
Un problème déjà ancien
Les problèmes de résistance à ces pédiculicides (ndlr : produits destinés à détruire les poux) ne sont pas neufs. Développés dès la fin des années 1960, ces dérivés de synthèse du pyrèthre ont une action neurotoxique qui, au début de leur commercialisation, s’est avérée d’une efficacité redoutable contre les poux. Forts de leur efficacité, les produits à base de pyréthrinoïdes ont obtenu un quasi monopole sur le marché des traitements anti-poux, dans le monde entier.
Mais, pas bêtes, les parasites n’ont pas tardé à commencer à développer des parades au produit. En 1994, des travaux français publiés dans The Lancet montraient déjà que 50% des poux de la région parisienne étaient résistants aux pyréthrinoïdes. Dans les années 2000, d’autres équipes de recherche ont montré que cette résistance était induite par la sélection d’une mutation génétique touchant plusieurs gènes appelés Kdr (pour knock-down résistance). Trois gènes Kdr sont aujourd’hui identifiés. Les parasites porteurs de ces mutations cumulatives (la coexistence de plusieurs gènes Kdr chez un poux le rendra plus résistant) ont pu proliférer malgré les traitements. Grâce à la sélection naturelle, les poux mutés se sont multipliés jusqu’à devenir largement majoritaires au fil des générations.
Trente Etats passés au peigne fin
Les travaux dirigés par le Dr Kyong Yoon ont ainsi déterminé la fréquence des mutations Kdr chez les poux grâce à des outils de criblage moléculaire. Résultat, sur les trente Etats américains étudiés, vingt-cinq abritent des populations de poux qui ont très largement muté et dont une majorité de spécimens présentent conjointement les trois gènes Kdr. Le Michigan demeure le seul Etat où les poux restent en grande partie sensibles aux traitements à base de pyréthrinoïdes.
Selon le chercheur, la seule solution pour lutter contre cette résistance serait de limiter l'utilisation des pyréthrinoïdes en recherchant des produits alternatifs.
En France aussi les poux résistent
Un avis que partage le Dr Arezki Izri, parasitologue à l'hôpital Avicenne de Bobigny, qui rappelle qu'"en France également, la résistance des poux aux pyréthrinoïdes est aujourd’hui largement répandue".
"Plusieurs alternatives existent aujourd’hui mais toutes ont leur limite", précise l’entomologiste médical. D’autres produits neurotoxiques pour les poux se sont développés, comme le malathion (Prioderm®). Des produits efficaces, mais moins bien tolérés que les pyréthrinoïdes. "Ces produits à base d’alcool peuvent provoquer des irritations du cuir chevelu. Mais surtout ils sont contre-indiqués aux personnes asthmatiques chez qui ils peuvent provoquer des bronchospasmes", prévient le Dr Izri.
D’autres produits à base d’huile végétale (huile de noix de coco) ou d'huile minérale (diméticone) ont une action physique sur le pou qu’ils recouvrent et étouffent. "Ces traitements ne sont efficaces qu’à hauteur de 60 à 80%. Mais comme il ne s’agit pas de produits toxiques, ils peuvent être utilisés plusieurs fois sans risque", poursuit le Dr Izri. On pourra donc effectuer plusieurs traitements par semaine, jusqu’à trois semaines d’affilée sans problème, afin de venir à bout des parasites.
"L'une des meilleures armes anti-poux reste le peigne fin et la vigilance", estime le docteur qui rappelle que la contamination ne peut être que directe, de chevelure à chevelure, ou plus rarement indirecte par l'usage commun d’une brosse ou d’un peigne contaminé. "L’essentiel est de prendre en charge l’ensemble des porteurs car tant que le sujet contact n’est pas traité, la contamination continue", conclut le parasitologue.