Plus de mélanomes chez les utilisateurs de Viagra® ? Oui, car ils s'exposent plus au soleil !
Les patients qui utilisent des traitements contre l'impuissance sexuelle tels que le sildénafil (Viagra®) présentent bien un risque légèrement accru de mélanome, selon une étude publiée ce 23 juin destiné à confirmer des travaux antérieurs. Mais les chercheurs mettent en garde contre les conclusions hâtives : ce n’est vraisemblablement pas le traitement qui cause la maladie, le lien étant plutôt à chercher dans la durée des vacances de ceux qui peuvent investir dans ces traitements…
L'enzyme PDE5 possède un rôle identifié dans le développement de certaines cellules cancéreuses (mélanome). Or, cette enzyme est également la cible privilégiée des traitements contre l'impuissance sexuelle (le sildénafil - Viagra® - neutralise cette enzyme pour provoquer l’érection). En 2014, une étude très médiatisée avait interrogé ce lien, mais avait été vivement critiquée du fait du très petit nombre de patients étudiés (quatorze !).
Afin de déterminer si les patients utilisant ces traitements avaient bel et bien un risque accru de développer un mélanome, des chercheurs suédois et nord-américains ont analysé le dossier médical de 4.065 patients (essentiellement à peau blanche) diagnostiqués pour mélanome.
Les scientifiques ont constaté que 435 patients (11%) avaient antérieurement reçu une ou plusieurs ordonnances pour du Viagra®, du Levitra® ou du Cialis®. Une comparaison statistique avec un groupe de contrôle montre que, chez les patients traités avec ces médicaments, le risque de développer un mélanome est légèrement - mais significativement - supérieur. Ce sur-risque est évalué entre +8% et +36%. Les chercheurs ont également observé une petite corrélation entre ces molécules et un risque accru (+19%) de carcinome basocellulaire, un autre cancer de la peau aujourd'hui bien soigné.
Toutefois, ces résultats ne permettent pas de conclure que ces traitements augmentent le risque de cancer. Comme souvent, une corrélation (un lien statistique) ne révèle pas forcément une causalité (c’est-à-dire que l'un des faits observés est la conséquence de l'autre).
Les auteurs observent en effet que le surrisque de mélanome était équivalent, que les hommes aient pris ces médicaments durant une courte ou une longue durée. Or, au regard des mécanismes biologiques connus du développement du mélanome, cette absence de lien entre dose et risque plaide en défaveur d’un effet direct.
En revanche, les chercheurs ont constaté que, parmi les patients ayant recours aux traitements pour le dysfonctionnement érectile, deux groupes à risques sont surreprésentés : ceux d’un niveau d’études supérieures, et ceux ayant des revenus élevés.
"Notre recherche montre en fait que les hommes qui ont le plus grand risque de mélanome ont des revenus élevés qui leur permettent de prendre plus de vacances au soleil et de se payer aussi ces médicaments, qui sont très chers", note Stacy Loeb, une urologue du centre médical Langone (Université de New York), principale auteure de ces travaux.
L’hypothèse d’un effet propre au sildénafil n’est pas formellement écartée, mais aucune analyse statistique des données existantes ne permet aujourd’hui de conclure en ce sens.
Source : Use of Phosphodiesterase Type 5 Inhibitors for Erectile Dysfunction and Risk of Malignant Melanoma. S. Loeb et coll. JAMA. 2015;313(24):2449-2455. doi:10.1001/jama.2015.6604.