Cancer du sein : le flair du chien au banc d'essai
Certaines substances volatiles produites par les tumeurs cancéreuses touchant la prostate peuvent être détectées par des chiens spécialement entraînés. Pourrait-il en être de même pour les cancers du sein ? Afin de répondre à cette question, un essai clinique a été initié par une entreprise de Haute-Vienne, avec le soutien de l’Institut Curie.
Le cancer du sein a-t-il une odeur ? Et si oui, est-elle perceptible de façon significative par des chiens spécialement entraînés ?
En septembre 2016, deux chiens de berger malinois du nom de Thor et Nykios seront les sujets d’une étude pionnière qui tâchera de répondre à ces deux questions. Dans un centre spécialisé de Magnac-Laval, en Haute-Vienne, ils seront dressés par Jacky Experton, qui entraîne habituellement les animaux à détecter les stupéfiants et les explosifs. L'étude, qui durera six à neuf mois selon le rythme des progrès des chiens, est financée par l’Institut Curie, qui a levé 100.000 euros par le biais du mécénat. Elle se déroulera en deux phases : tout d'abord, l'entraînement des animaux, puis un test "en aveugle".
Des composés volatils du cancer du sein dans la sueur
Lors d'une première phase, les chiens seront exposés à deux types de prélèvements odorants. Le premier sera dressé sur des tissus imprégnés de la transpiration des patientes, son congénère directement sur des prélèvements de tumeurs. Leur dresseur tâchera d’interpréter et de caractériser leur comportement pour l'Institut Curie, propriétaire des animaux.
Dans un deuxième temps, les chiens intervertiront leur rôle. L’objectif est de confirmer la présence des mêmes composés volatils du cancer du sein dans la sueur ou les tumeurs, en quantité différente mais toujours détectable par l'odorat du chien.
Tests en aveugle
Viendra alors le temps des tests "en aveugle" : l'Institut Curie enverra à Jacky Experton et ses chiens des tissus tests numérotés mais ne mentionnant pas s'il s'agit de patientes malades ou indemnes. "Le croisement des données permettra de dire si le chien a marqué les bons prélèvements ou pas", explique l'expert cynophile.
Si les résultats sont concluants, l'Institut Curie envisagera un essai clinique impliquant une plus grande cohorte de patients. "Si notre postulat se vérifiait, les bénéfices seraient immenses", souligne la biologiste Aurélie Thuleau, qui dirige ce projet, baptisé "Kdog".
Le flair des chiens est par nature non invasif, extrêmement mobile, très peu coûteux et constituerait une solution de dépistage idéale, dans une perspective humanitaire par exemple.
Des essais antérieurs sur les cancers de la prostate et du poumon
C'est en découvrant que des études prometteuses avaient été menées sur les cancers de la prostate à partir des composés odorants laissés par la maladie dans l'urine des patients que Jacky Experton a eu l'idée de proposer ce projet à l’Institut Curie.
Des études réalisées aux Etats-Unis, en Allemagne et en Autriche avaient suggéré que les chiens pouvaient contribuer à détecter les cancers du poumon grâce à leur odorat, en respirant l’haleine des patients. Des taux de succès voisins de 70% avaient été enregistrés dans certaines de ces expériences, mais les essais de grande envergure n’ont pas encore été menés.