Stimulation nerveuse d’un patient dans le coma : "un seul cas" et des "conditions d’étude très discutables"
Grâce à un traitement par stimulation nerveuse, un patient dans un état végétatif depuis 15 ans aurait amélioré son niveau de conscience. Des travaux qui soulèvent de nombreuses questions éthiques.
Après un mois de traitement par stimulation du nerf vague, un homme plongé dans le coma depuis quinze ans et âgé aujourd’hui de 35 ans, semble avoir récupéré une conscience minimale. Cette expérimentation a été menée par une équipe de l'Institut des sciences cognitives Marc Jeannerod de Lyon. Les résultats ont été publiés ce lundi dans le journal américain Current Biology. Aujourd'hui le patient répond à des demandes simples, comme suivre un objet avec les yeux ou tourner la tête. Mais, ces résultats sont à prendre avec prudence et suscitent des réactions controversées dans la communauté médicale. Entretien avec le Dr Bernard Devalois, chef de l’unité de soins palliatifs à l’hôpital de Pontoise, près de Paris.
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Cette découverte est-elle porteuse d’espoir pour les patients en état végétatif ?
Dr Bernard Devalois, chef de l’unité de soins palliatifs à l’hôpital de Pontoise : "Je suis extrêmement réservé, non pas sur le travail de recherche, mais sur la médiatisation de cette affaire. Ce n’est pas un article scientifique mais une correspondance. C’est juste une façon pour un chercheur de dire à la communauté scientifique « on est en train de travailler là-dessus ». On fait comme si c’était une réalité alors qu’il n’y a qu’un seul cas et dans des conditions d’étude qui sont très discutables. Je crois donc qu’il faut rester prudent. On n’a pas trouvé le bouton qui, comme dans les contes, réveille la belle au bois dormant. Il ne suffit pas de faire une stimulation du nerf vague pour régler tous les problèmes. C’est seulement une piste."
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Le patient aurait retrouvé un "état de conscience minimale". Qu'est-ce que cela signifie ?
Dr B. Devalois : "On parle de patients qui sont dans des états chroniques de conscience altérée. Ils apparaissent éveillés mais on n’a plus accès à leur conscience. Il y a différents états. Il y a les gens qui sont au plus bas de l’échelle, avec lesquels il n’y a plus aucune espère de communication. Et puis, il y a ceux qui ont juste des petites bribes de communication, avec qui on peut établir un code de communication. Ce sont eux qu’on appelle des patients à conscience minimale. C’était par exemple le cas de Vincent Humbert (un jeune pompier tétraplégique, sourd et muet après un accident de voiture). On était dans ce type de situation où on pouvait avoir un signe de la main, des clignements de yeux…"
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En stimulant le nerf vague, y a-t-il un risque à faire prendre conscience au patient de sa situation sans améliorer son état de santé ?
Dr B. Devalois : "Bien-sûr qu’il y a ce risque. Je dirige un centre de recherche qui s’appelle bientraitance et fin de vie. Où est la bientraitance dans cette affaire ? Qui parmi nous s’il était dans un état de trouble majeur voudrait juste être réveillé un tout petit peu ? Ces gens risquent de prendre un peu conscience de l’état dramatique dans lequel ils sont. C’est une vraie question éthique et je regrette qu’elle ne soit pas plus posée. On a une éthique de responsabilité quand on fait de la recherche."
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D’un point de vue éthique, peut-on faire de la recherche sur un patient dans un état végétatif à qui on n’a pas demandé son opinion ?
Dr B. Devalois : "C'est possible. Les chercheurs sont passés devant le comité de protection des personnes qui a donné l’autorisation. J’avoue que si j’avais été dans ce comité d’éthique je ne suis pas sur que j’aurai donné l’autorisation. On peut faire ces recherches par le biais des représentants légaux. Mais, qu’a-t-on dit aux représentants légaux ? Leur a-t-on dit qu’on allait « réveiller » le patient ? A l’évidence, le patient ne va pas se réveiller."