La musique rend-elle plus intelligent ?
♬ MUSIQUE ET CERVEAU - Diverses expériences montrent que la musique facilite la lecture ou l'apprentissage des langues. Elle améliore surtout la mémoire et la concentration, et favorise l'intelligence émotionnelle. Alors la musique rend-elle plus intelligent ?
Aujourd'hui, les sciences cognitives donnent une réponse claire : oui, la musique rend plus intelligent. L'intuition que l'apprentissage musical contribue au développement intellectuel n'est pas nouvelle. Dans l'Antiquité et au Moyen-Âge, l'enseignement était divisé en sept arts libéraux, classés en deux catégories : le trivium (les arts du langage : grammaire, dialectique et rhétorique) et le quadrivium (les arts mathématiques : arithmétique, géométrie, astronomie et musique). Depuis, la musique a perdu cette place de choix qui la plaçait au rang des mathématiques. Pourtant, les neurosciences cognitives confirment aujourd'hui que cette prééminence était justifiée et devrait être rétablie.
L'impact de la musique sur le cerveau et les capacités intellectuelles
L'histoire commence d'une façon bien singulière par un article publié en 1993 dans la revue Nature. Ils y rapportaient que l'écoute de dix minutes de la sonate pour deux pianos en ré majeur de Mozart entraînait une augmentation des performances intellectuelles dans des tâches de raisonnement spatial servant à évaluer le quotient intellectuel (QI). Bien que faible, cette augmentation semblait significative au plan statistique. Les groupes contrôles étaient en tout point similaires au groupe "Mozart" sauf que l'un écoutait de la musique, et l'autre non. Si cet article n'avait pas été publié dans la revue Nature, "l'effet Mozart" n'aurait sans doute jamais été pris au sérieux.
L'interprétation facile - mais fausse - donnée à ce résultat fut que Mozart rendait intelligent, et que par conséquent, il fallait faire écouter ce compositeur le plus tôt possible aux enfants, voire aux bébés et aux foetus… L'exploitation financière du résultat ne tarda guère et de nombreux parents achetèrent sans hésitation le coffret CD de musique prénatale de Mozart. Le gouverneur de Géorgie, Zell Miller, finança même l'acquisition d'un kit de musique classique pour tous les enfants nés dans sa province. Le gouvernement allemand, plus prudent, commanda en 2006 une méta-analyse de 300 recherches sur ce thème pour vérifier le bien-fondé de ces conclusions. Cela donna lieu à une controverse scientifique importante. Plusieurs équipes n'étant pas parvenues à répliquer le résultat de 1993, on en arriva à penser que l'heure du "requiem pour l'effet Mozart" avait sonné, comme le proclamait un autre article publié en 1999 dans la même revue Nature.
Que reste-t-il de l'effet Mozart ?
Le fait que la dynamique des pièces musicales contribue à améliorer les performances en augmentant l'attention des sujets n'a rien d'étonnant. Toutes les études de psychologie cognitive sur les effets dits d'amorçage montrent que l'on peut préparer implicitement le cerveau à effectuer une opération en l'amorçant par la présentation d'un stimulus.
L'effet Mozart pourrait entrer dans cette catégorie d'effets. Dans ce cas, l'effet n'est pas spécifique à Mozart. D'autres études ont révélé que la présence d'un effet bénéfique dépendait tout simplement du plaisir que les sujets ont eu à écouter la musique présentée avant le test cognitif: ce serait le plaisir qui améliorerait les performances cognitives.
De nombreuses recherches montrent que, chez le musicien professionnel, l'apprentissage intensif de la musique conduit à des réorganisations anatomiques et fonctionnelles du cerveau. Chez les musiciens, le planum temporale est plus développé. Comme cette structure est également impliquée dans des tâches de mémoire verbale, on suppose que les musiciens ont en moyenne des performances supérieures en mémoire verbale. En outre, les enfants qui pratiquent la musique ont, d'après diverses expériences récentes, des capacités cognitives supérieures à ceux qui ne jouent pas d'un instrument, ni ne chantent.
Quid chez l'animal ?
Chez l'animal, la musique a une influence, même chez les rats qui trouvent plus facilement la nourriture dans un labyrinthe. Mais là, les performances augmentent plus avec la musique de Mozart qu'avec de la musique contemporaine. On a d'abord montré que l'écoute intensive de la musique modifiait le comportement d'un animal. Selon le type de musique, des améliorations des performances comportementales peuvent être observées chez le rat dans des tâches qui, si elles étaient réalisées par l'homme, seraient qualifiées d'intelligentes
Deux groupes de rats furent ainsi exposés pendant soixante jours soit à la sonate de Mozart, soit à une oeuvre du compositeur américain de musique contemporaine Philip Glass. Ils furent ensuite placés dans un labyrinthe durant cinq jours et on a observé leurs performances. Les rats exposés à Mozart étaient plus rapides et faisaient moins d'erreurs que les autres pour trouver la sortie du labyrinthe, cette différence étant sensible dès le troisième jour, et leur rapidité augmentait encore les jours suivants. Cette étude suggère qu'une exposition prolongée à des stimulations auditives complexes (Mozart) entraînerait une réorganisation cérébrale conduisant à de meilleures capacités spatio-temporelles.