Alzheimer : les familles s'inquiètent du déremboursement des médicaments
Les médicaments contre la maladie d'Alzheimer ne sont plus remboursés par la Sécurité sociale depuis le 1er août. Une décision contestée par les patients, leurs familles et la majorité de leurs médecins.
"Colère, désarroi, incompréhension... Les familles qui nous contactent ont l'impression d'avoir été abandonnées", raconte Benoît Durand, directeur délégué de France Alzheimer. "Nous pouvons simplement leur dire que nous continuons à nous battre contre le déremboursement". L'association de patients a en effet déposé un recours devant le Conseil d'Etat pour faire annuler l'arrêté du 29 mai 2018 qui a mis fin partir du 1er août à la prise en charge des médicaments "anti-Alzheimer" par la Sécurité sociale : Aricept (donépézil), Ebixa (mémantine), Exelon (rivastigmine) et Reminyl (galantamine) et leurs génériques.
"Ces médicaments ont un effet positif"
Et elle n'est pas la seule dans ce combat. "C'est toute la profession qui défend des traitements que nous sommes amenés à prescrire pour certains patients", explique le Dr Dorin Feteanu, chef du Centre d'évaluation gériatrique ambulatoire de l'hôpital Paul-Brousse (Villejuif). Il souligne que La Fédération des Centres Mémoire, la Fédération française de neurologie, la Société française de neurologie ou encore la Société française de gériatrie et de gérontologie font partie des auteurs du recours.
"Bien sûr ces traitements n'ont pas une grande efficacité mais devant une maladie aussi grave, c'est déjà beaucoup !", s'insurge le neurologue. "Nous savons que leur indication est limitée à certains stades de la maladie et que le suivi va montrer qu'ils ne fonctionnent pas pour 30% des patients", poursuit-il, "mais pour les autres, il y a un effet positif". Et le Dr Feteanu de citer un article publié en juin 2018 par le réseau scientifique indépendant Cochrane. Ses experts ont analysé trente études sur le donépézil, un des principaux médicaments destinés à réduire les symptômes de la maladie d'Alzheimer. Et selon leurs conclusions "après six mois de traitement, prendre du donepezil a des bénéfices suffisants pour être mesurés par des études. (...) Être capable de stabiliser les performances cognitives ou la capacité à maintenir des activités dans la vie quotidienne peut être important cliniquement". Autrement dit, des effets légers mais non nuls.
Inquiétude pour ceux qui devraient arrêter le traitement
D'où l'indignation de la presque totalité des professionnels concernés qui contestent la pertinence de l'évaluation réalisée par la Haute autorité de santé (HAS) en 2016 à partir de laquelle le déremboursement a été décidé. Ils sont inquiets pour leurs patients. "Nous allons organiser le suivi des personnes qui devront arrêter le traitement", annonce le Dr Feteanu. Une évaluation à laquelle l'association France Alzheimer est prête à participer activement.
D'autant plus que les mesures non médicamenteuses mises en avant par les recommandations de la HAS sont loin d'être facilement accessibles partout en France. "Il est extrêmement difficile de trouver un orthophoniste spécialisé", rappelle le neurologue de l'hôpital Paul-Brousse. "Même ici, en Ile-de-France, il y a au moins trois mois d'attente pour avoir une place en accueil de jour, six mois pour bénéficier de visites à domicile spécialisées !".
Et la situation est encore pire en dehors des grandes agglomérations selon Benoît Durand, directeur délégué de France Alzheimer. "On peut parler de discrimination, estime-t-il. Sans le médicament, des familles n'auront plus rien ! Et les 96 millions d'euros économisés par la Sécurité sociale (grâce au déremboursement NDLR) que la ministre promet d'attribuer à ces soins ne suffiront pas ! " .
Un lanceur d'alerte débouté
Parallèlement au recours des neurologues associés aux patients, un interne en pharmacie hospitalière avait également saisi en tant que "lanceur d'alerte" le Conseil d'Etat pour faire annuler l'arrêté du 29 mai. La plus haute juridiction administrative l'a débouté le 8 août en estimant qu'il n'avait pas "un intérêt suffisamment direct et certain à agir". "Le problème soulevé par le Conseil d'État est que les pharmaciens ne sont pas prescripteurs", a commenté son avocate, Alice Meier-Bourdeau. Cette décision du Conseil d'Etat ne répond donc pas sur le fond à question du déremboursement et ne remet pas en cause la légitimité de l'autre procédure.