Pourquoi il n'existe pas (encore) de médicaments pour traiter les troubles du désir féminin

À ce jour, il n'existe pas de médicaments pour les femmes souffrant de problèmes de libido. Le Dr Gilbert Bou Jaoudé, médecin sexologue, nous explique pourquoi.

Dr Gilbert Bou Jaoudé
Rédigé le , mis à jour le
Sexualité : des médicaments pour les hommes mais pas pour les femmes ?
Sexualité : des médicaments pour les hommes mais pas pour les femmes ?  —  Le Mag de la Santé - France 5

Tout le monde sait qu’il existe des médicaments pour les problèmes sexuels des hommes, comme la fameuse petite pilule bleue. Mais qu’en est-il pour les femmes ?

Sachez qu'en France et même en Europe, il n’existe aucun médicament commercialisé avec comme indication officielle "traiter le manque de désir féminin". Pour en trouver, il faut aller aux Etats-Unis, où deux médicaments sont approuvés dans cette indication : 

- la flibanserine sous le nom de Addyi, mais dont l'efficacité est discutable ;
- la bremelanotide sous le nom de Vyleesi : le traitement se prend par injection sous-cutanée, dans l’heure avant le rapport sexuel, et elle présente des effets secondaires gênants de type mal de tête, poussée de tension artérielle...  

Des raisons culturelles au manque de traitements

Comment expliquer ce fossé entre les nombreux traitements efficaces pour les troubles sexuels masculins et ceux pour les troubles féminins ? Il y a deux raisons à cela. La première est culturelle : la sexualité féminine est encore trop souvent jugée sous un angle moralisateur ou social.

Par exemple, pour la flibanserine commercialisée aux États-Unis, le laboratoire a dû rassurer l’Agence du médicament américaine que ce traitement ne rendra pas les femmes, "dévorées de désir" car l’une des craintes des experts était que ce traitement " bouleverse l’ordre social". 

Des études sous un prisme masculin

Il y aussi des erreurs de recherche liées au fait que la plupart des médecins étaient des hommes, et étudiaient la fonction sexuelle des femmes sous un angle masculin. Par exemple, l'on entend encore très souvent dire que le clitoris a une structure proche de celle du pénis mais en plus réduit. L'on se base là-dessus pour l’étudier, en oubliant que le clitoris n’est pas entouré des mêmes organes que le pénis et donc ses interactions sont différentes ; son fonctionnement doit donc être étudié à part entière.

Autre problème : pendant longtemps, on a considéré que la libido chez les femmes fonctionne comme chez les hommes, c’est-à-dire qu’il y a d’abord le désir sexuel, qui donne ensuite l’excitation, qui donne ensuite le plaisir puis jouissance.

Alors que les recherches modernes montrent que le modèle n’est pas linéaire mais circulaire : une femme peut parfaitement commencer par apprécier le moment sur le plan intime, puis avoir du plaisir et de l’excitation, ce qui fait naître le désir. 

Des obstacles techniques dans les recherches

Au niveau des recherches, il est assez facile de voir sur un rat si son pénis augmente de volume ou non après lui avoir donné un médicament de l’érection, ou si le délai avant l’éjaculation change après lui avoir donné un médicament de l’éjaculation. En revanche, il est plus délicat de demander à une rate si elle a eu plus de désir, plus d’excitation sexuelle ou de plaisir pendant la copulation… 

Autre difficulté technique c’est que jusqu’à aujourd’hui, il n’y a aucune définition du désir sexuel anormal, sur laquelle tout le monde est d’accord. Difficile de développer des traitements pour une entité que l'on n’arrive même pas à définir… 

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Comment agir en cas de baisse de libido ?

Malgré tout, les recherches avancent, les nouvelles technologies sont d'une grande aide et les mentalités changent. De plus, les médicaments s’adresseront surtout aux femmes chez qui les autres méthodes n’ont pas fonctionné.

Or, dans au moins la moitié des cas, le désir sexuel peut s’améliorer en reprenant soin de soi : bien dormir, faire de l’activité physique, faire des activités qu’on aime, régler un conflit dans le couple... Toutes ces mesures sont déjà un traitement et resteront la base, même lorsque l'on disposera de médicaments disponibles.