Pétain était-il atteint d'Alzheimer dès le début du régime de Vichy ?
Le gériatre français Jean-Marie Sérot affirme que le maréchal Pétain souffrait d'une maladie neurodégénérative. Et cela, dès 1940.
Selon le Pr Jean-Marie Sérot, le maréchal Pétain souffrait "d’une affection neurodégénérative dont les premiers signes sont apparus dès 1930". Le gériatre vient de développer cette thèse dans la Revue de Gériatrie.
Phillipe Pétain a pris la tête du régime de Vichy en juillet 1940, à 84 ans, après avoir bénéficié du vote des pleins pouvoirs par les parlementaires. Après la Libération, il a été jugé coupable d'"indignité nationale" au terme de son procès à l'été 1945.
"Un tableau d’Alzheimer typique"
Si la sénilité de l'icône de Verdun à la fin de sa vie est un fait admis, le Pr. Sérot la croit bien antérieure. "Pétain est mort (en 1951 à 95 ans, NDLR) avec un tableau d'Alzheimer typique. Or, on sait que la maladie s'installe longtemps à l'avance et évolue pendant de très longues années", explique-t-il à l'AFP. Pour parvenir à cette conclusion, le gériatre retraité a analysé plusieurs livres qui lui sont consacrés, qui ont révélé "de multiples faits suspects".
Dans son article, le Pr Sérot cite plusieurs personnes. Parmi elles, Chichery Albert, ministre de l’Agriculture et du Ravitaillement jusqu’au 12 juillet 1940 : "Le Maréchal est bien 3-4 h par jour [...] mais quand il est fatigué, surtout le soir, on peut lui faire signer ce que l’on veut sans qu’il s’en rende compte".
La thèse du gériatre français ne fait pas l'unanimité. L’historien Laurent Joly juge l’hypothèse plausible, malgré "quelques petites erreurs de détails". Interrogé par l'AFP, l'historien américain Robert Paxton, fait valoir que "presque tous les témoignages sont des souvenirs écrits bien après les événements racontés, presque toujours après la fin de la guerre". En lisant des archives datant des années 40, "on constate que Pétain était clairement un vieillard un peu ralenti, mais il n'était pas vraiment sénile", poursuit M. Paxton.
Quid de la responsabilité ?
A cette époque, les syndromes de démence, dont Alzheimer, "sont totalement méconnus du grand public et même du corps médical qui parle de sénilité", avoue le Pr Sérot. Et pourtant, le gériatre l'assure : "Je suis à peu près sûr de ce que je dis", même si un diagnostic ne peut être établi avec certitude sans examen clinique ni autopsie.
En revanche, ce qui est certain, c’est que la thèse soulève une question sensible : Pétain était-il responsable ? Un terrain sur lequel le gériatre retraité ne veut pas s'aventurer. "Je ne suis pas historien, je suis médecin, et je dis simplement qu'il était malade", souligne-t-il, en jugeant toutefois que cela a pu "changer le cours de l'Histoire de France".
Si cette thèse était confirmée, elle aurait "forcément" des répercussions sur ce que l'on sait des responsabilités de Pétain, analyse Laurent Joly. Mais "faute de preuve absolue, elle ne change pas fondamentalement ce que les spécialistes pouvaient subodorer, à savoir une forme de sénilité", conclut l'historien.