Musique et cerveau : les mystères de l'amusie
♬ MUSIQUE ET CERVEAU - Personne, croit-on, ne peut rester insensible au charme des sonates de Chopin ou à la beauté d'un opéra de Mozart. Pourtant, on estime qu'environ 4 à 5% de la population mondiale souffre d'amusie, un étrange déficit de perception musicale. Le 25 avril 2013, le CNRS a publié une étude qui lève le voile sur l'origine de cette pathologie.
Beethoven, en dépit de sa surdité, entendait la musique dans sa tête. A contrario, le révolutionnaire Che Guevara possédait, lui, une audition tout à fait normale. Pourtant, il restait assis et impassible lorsqu'on jouait l'hymne national de Cuba et avait la réputation de danser le tango alors que l'orchestre attaquait une valse. Son problème était qu'il ne percevait pas la musique. Il n'était pas le seul : le président américain Théodore Roosevelt aussi. Pour les neuropsychologues, ces deux hommes souffraient d'amusie.
Qu'est-ce que l'amusie ?
On peut donc résumer l'amusie comme un échec à développer une compétence musicale normale alors que l'intelligence est normale et le langage aussi. Paradoxalement on parle d'une forme de surdité alors que tout ce qui concerne l'appareil auditif est parfaitement intact.
Pour entendre, nous captons des vibrations. Ces vibrations vont être canalisées par le conduit auditif externe. Les ondes sonores vont alors faire entrer en vibration la membrane du tympan. Les osselets de l'oreille moyenne vont répercuter ces ondes vers les cellules ciliées de la cochlée, qui converties en ondes électriques parviendront au cerveau.
L'étude publiée par le CNRS, l'Inserm et le Centre de neurosciences de Lyon a percé à jour les bases neuronales de l'amusie. Les personnes amusiques présentent un traitement altéré de l'information musicale dans deux régions cérébrales : le cortex auditif et le cortex frontal, en particulier dans l'hémisphère cérébral droit. Ces altérations semblent liées à des anomalies anatomiques dans ces mêmes cortex. Ces études ont été effectuées grâce à une mesure du champ magnétique émis par les neurones à la surface de la tête. Cet outil a permis de montrer que l'encodage d'une note de musique était retardé de 100 millisecondes chez les personnes amusiques.
Cette étude conclut également à un excès de matière grise accompagné d'un déficit de matière blanche dont l'un des constituants essentiels, la myéline, permet au signal nerveux de se propager rapidement.
L'amusie se manifeste sous plusieurs formes, isolées ou conjointes :
- surdités tonales : le sujet est incapable de jauger les différences de hauteur.
- surdités mélodiques : le sujet est incapable de reconnaître une mélodie. Il ne reconnaît plus la musique comme musique ! Comme un voisin qu'on verrait tous les jours mais qu'on ne saluerait pas parce qu'on ne reconnaît pas son visage.
- surdités rythmiques : les rythmes ne peuvent être évalués ou reproduits alors même que les aptitudes mélodiques restent intactes.
- surdités de timbre : incapacité à reconnaître un instrument ou un groupe d'instruments.
Ces travaux permettent ainsi d'envisager un programme de réhabilitation de ces difficultés musicales, en ciblant les étapes précoces du traitement des sons par le cerveau et de leur mémorisation.