Psychiatrie : le retour en grâce des électrochocs
Qualifiée de barbare ou d'acte de torture, la sismothérapie, aussi appelée électroconvulsivothérapie, a longtemps eu mauvaise réputation. Mais aujourd'hui, ce traitement par électrochocs est mieux maîtrisé et reste utilisé pour certaines maladies psychiatriques.
En quoi consiste le traitement par électrochocs ?
Tous ceux qui ont vu le film de Milos Forman, Vol au-dessus d'un nid de coucou se souviennent des séances d'électrochocs. Cette technique effraie, c'est incontestable. La sismothérapie ou électroconvulsivothérapie est pourtant utilisée quotidiennement en France. Elle traite avant tout certaines dépressions sévères et quelques cas de schizophrénie.
Pourquoi le traitement par électrochocs fait-il peur ?
La raison est simple. Il y a 70 ans, le traitement frôlait le film d'horreur. Il n'y avait aucune anesthésie. La quantité de courant déchargée n'était pas maîtrisée. La douleur était traumatisante, les effets sur la mémoire très graves. Les électrochocs ont très vite été assimilés à une sorte de chaise électrique réservée aux fous.
Mais, bien évidemment, les conditions de pratique ne sont plus du tout les mêmes. On parle aujourd'hui d'électroconvulsivothérapie (ECT) ou de sismothérapie. Et les psychiatres souhaitent rétablir la vérité sur ce traitement qui est réservé à des cas particuliers.
Le traitement par électrochocs, comment ça marche ?
Les électrochocs envoient un courant électrique dans le corps du malade. Le but est de provoquer une crise d'épilepsie. Pour comprendre, il faut connaître le fonctionnement du cerveau.
Les cellules du système nerveux sont les neurones. Elles fonctionnent grâce aux influx nerveux. Pour cela, elles sont connectées les unes aux autres. Elles codent les messages de manière électrique. Et les influx nerveux passent de neurone à neurone. L'intérêt de provoquer une décharge électrique est de stimuler les neurones. Ils établissent ainsi de nouvelles connexions entre eux.
La sismothérapie, toute une histoire
Les électrochocs ont été utilisés en psychiatrie dès la fin des années 30. Et on les utilise toujours aujourd'hui notamment pour traiter les patients atteints de dépression très sévère et résistante aux médicaments.
L'histoire commence dans les années 30 avec l'étrange postulat d'un psychiatre hongrois. Selon Ladislas von Meduna, provoquer une crise d'épilepsie permettrait de guérir la schizophrénie. Deux psychiatres italiens se demandent alors si on peut déclencher une crise convulsive avec un courant électrique. "Ils se sont rendus aux abattoirs de Rome et ils ont vérifié sur des cochons qu'ils pouvaient, sans que l'animal meurt, provoquer un courant électrique au niveau cérébral et provoquer une crise d'épilepsie", explique le Pr Jean-Pierre Olié, psychiatre.
En 1938, les deux psychiatres tentent l'expérience sur un premier patient schizophrène dans un état mutique et catatonique. "L'histoire dit que ce patient s'est immédiatement levé et est parti en courant en criant. Ce patient était guéri. Ce patient qui ne bougeait plus, marchait. Et ce patient qui ne parlait plus, parlait", raconte le Pr Olié.
Dans les années 50, on découvre que la crise convulsive a un effet bénéfique sur les patients atteints de dépression très grave, appelée mélancolie dans le langage psychiatrique comme le confirme le Dr Marion Plaze, psychiatre : "Au moment de la crise convulsive, le cerveau va lutter pour stopper la crise. Et pour stopper la crise, il va produire des neurotransmetteurs, des neuromédiateurs mais il va aussi produire de la noradrénaline, de la sérotonine, de la dopamine… et tout ça va être pourvoyeur de l'amélioration clinique chez le patient".
À partir des années 60, les électrochocs sont utilisés pour traiter les patients dépressifs sévères. Mais la pratique d'alors apparaît aujourd'hui quelque peu barbare : "Il n'y avait pas d'anesthésie générale. La personne est dans un état vigil, elle voit arriver l'appareil, elle voit arriver les soignants, et on applique deux électrodes au niveau temporal et on provoque à vif une crise d'épilepsie. On met quelque chose dans la bouche pour éviter la morsure de la langue qui se produit lors d'une crise d'épilepsie, une personne est préposée aux épaules pour qu'il n'y ait pas de luxation…", décrit le Pr Olié. À l'époque, les effets secondaires sont d'ailleurs désastreux : des troubles cognitifs graves, des maux de tête ou des fractures…
Dans les années 70, l'usage aléatoire de cette technique entraînera la peur et la méfiance du grand public, renforcées en 1975 par le film de Milos Forman, Vol au-dessus d'un nid de coucou.
La sismothérapie : un traitement aujourd'hui maîtrisé
Depuis ses débuts, la pratique s'est peu à peu améliorée, essentiellement par une anesthésie générale brève et une curarisation du patient avant le choc. Malgré tout, certains psychiatres refusent toujours de pratiquer les électrochocs. Ce qui explique qu'en France, tous les services de psychiatrie ne proposent pas le traitement par électrochocs.
En plus des dépressifs sévères, les électrochocs peuvent aussi être proposés à certains patients schizophrènes ou bipolaires. Parfois, quelques séances seulement suffisent pour améliorer l'état du patient. Mais il faut parfois plusieurs mois, voire des années pour stabiliser ces malades en détresse.
Le déroulement d'une séance d'électrochocs. Le psychiatre place plusieurs électrodes sur la tête du patient pour mesurer l'activité cérébrale durant la crise. Du curare est ensuite injecté pour immobiliser les muscles. Le patient subit une anesthésie générale. Le médecin déclenche ensuite la charge électrique qui ne dure que quelques secondes. Le patient convulse alors pendant une à deux minutes. Par la suite, le patient est placé en salle de réveil. Il mettra environ une heure à émerger, avec souvent des effets indésirables comme des nausées ou des pertes de la mémoire à court terme.
Si les malades peuvent être réticents au premier abord quand on leur propose le traitement par électrochocs, il faut savoir que la pratique est efficace à 80% chez les dépressifs, avec des effets positifs sur le sommeil des malades, leur appétit ou encore leur comportement… Sans toutefois la garantie d'une amélioration à long terme.